Peter Weibel, artiste, théoricien, commissaire d’exposition et directeur artistique et scientifique depuis 1999 du Zentrum für Kunst und Medien à Karlsruhe (ZKM), en Allemagne, est décédé le 1er mars dans cette même ville, à l’âge de 78 ans, des suites d’une maladie. Né le 5 mars 1944 à Odessa, en Ukraine, il a étudié à Paris et à Vienne, et fréquenté les actionnistes viennois. Il s’est ensuite fait connaître par ses performances, notamment aux côtés de sa compatriote Valie Export. En 1968, dans Aus der Mappe der Hundigkeit, la seconde promena le premier en laisse, à quatre pattes, dans les rues de Vienne. La scène produisit son petit effet. L’homme traité en animal, de surcroît dans une inversion des rôles où cette fois la femme dirige – une dénonciation féministe de la domination patriarcale, pour reprendre la terminologie actuelle – fut perçu comme une provocation dans une société passablement conservatrice. Engagé, et déjà précurseur, pour ne pas dire visionnaire.
Dans les années 1970, Peter Weibel participa à des happenings à la télévision, orientant son travail vers le corps et les médias. Directeur artistique de Ars Electronica de 1992 à 1995, après en avoir été conseiller artistique à partir de 1986, il a été commissaire du pavillon de l’Autriche à la Biennale de Venise entre 1993 et 1999, et conservateur en chef à la Neue Galerie am Landesmuseum Joanneum à Graz durant la même période. Il a ensuite enseigné au ZKM, et en a fait, à sa direction, l’une des institutions internationales les plus à la pointe en matière d’art contemporain et de réflexion sur les enjeux sociétaux, numériques, médiatiques, écologiques… Il y a organisé pléthore d’expositions (notamment avec Bruno Latour), montré parmi de nombreux artistes Ryoji Ikeda (2015), Olafur Eliasson (2000) ou dernièrement Chiharu Shiota (2021). Il est également l’auteur de catalogues et d’ouvrages sur l’art.
Dans un communiqué publié sur le site du ZKM, Petra Olschowski, ministre de la Science, de la Recherche et de l’Art du Land de Bade-Wurtemberg, lui rend hommage : « Avec ses expositions au ZKM, Peter Weibel nous a toujours montré comment notre perception du monde se modifie sous l’effet des transformations numériques et médiatiques. Ses approches pointues ont toujours été un défi, car dans ses concepts souvent brillants, Peter Weibel était souvent en avance sur son temps. C’est à cette attitude et à son engagement sans compromis que le ZKM doit sa renommée mondiale, son développement permanent et son ouverture aux thèmes et aux questions de société. En ce sens, il a été un conseiller important pour de nombreux comités du pays et pour moi personnellement. Son décès soudain nous laisse bouleversés. »