Art Paris, qui s’apprête à fêter ses 25 ans d’existence, n’a probablement jamais eu autant le vent en poupe. La Foire a toutefois mis du temps à trouver sa place. Son changement de calendrier et de lieu, passant de l’automne – en même temps que la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) – au printemps, et du Carrousel du Louvre au Grand Palais, en 2006, a été un jalon dans son affirmation et sa quête de visibilité. Guillaume Piens, ancien directeur de Paris Photo, a rejoint six ans plus tard, en tant que commissaire général, la Foire appartenant à la PME française de Julien et Valentine Lecêtre. Il lui a apporté un nouvel élan, en la rendant notamment plus lisible et en réaffirmant fièrement sa dimension française. Non seulement Art Paris est redevenue très fréquentable, mais ces dernières années lui ont été plus que bénéfiques. Pendant la tempête que fut la pandémie, elle a gardé le cap, réussissant à maintenir toutes ses éditions en jonglant avec le calendrier.
RENFORCER LA PLACE DE PARIS
Surfant sur le revival de Paris, Art Paris se pose dorénavant en alternative de Paris+ par Art Basel, davantage encore qu’elle ne l’était de la Fiac. « Paris est la seule ville européenne qui aligne deux rendez-vous majeurs en art moderne et contemporain, l’un en automne et l’autre au printemps, confie Guillaume Piens. Nous avons une très bonne entente avec Paris+, après des années compliquées avec Reed [Expositions], l’organisateur de la Fiac, qui faisait pression sur des galeries pour qu’elles exposent uniquement dans leur Salon. Désormais, avec le directeur de Paris+, Clément Delépine, nous avons conscience de travailler chacun pour renforcer la place de Paris ! » Et de poursuivre : « Nous savons que nos positionnements sont complémentaires. Paris+ a plus ou moins 30 % de galeries françaises, tandis que de notre côté, c’est l’inverse, avec 60 % d’enseignes hexagonales. Paris+ ne peut pas absorber toute la scène parisienne et se concentre sur un certain côté mainstream. Aujourd’hui, nos stratégies respectives fonctionnent très bien. En termes d’acheteurs, nous ne nous adressons pas qu’aux plus riches, nous visons un public plus large ! »
Art Paris réunit donc au Grand Palais Éphémère un spectre étendu, représentatif du marché français de l’art contemporain : jeunes structures, enseignes françaises en région (une douzaine), grosses galeries… Cette année, la Foire accueille de nouveau les galeries Suzanne Tarasieve, Jean Fournier, Yvon Lambert, Jeanne Bucher Jaeger ou Mitterrand, revenue en 2021 après une longue absence. En outre, Derouillon, Dina Vierny, Catherine Putman, Maria Lund, Anne-Sarah Bénichou y font leur retour, tandis que la galerie Maïa Muller participe pour la toute première fois. « Notre ambition est aussi d’accompagner une génération montante qui n’a pas encore accès à Paris+, telles Pauline Pavec ou la galerie Ketabi Bourdet, et de faire grandir ces jeunes structures avec nous », précise Guillaume Piens. À cet égard, le secteur Promesses, dédié aux découvertes avec ses neuf exposants, y contribue activement. Parmi les enseignes importantes, bon nombre prennent part aux deux événements, gage supplémentaire de leur complémentarité, mais également d’une qualité en hausse, ainsi de « Francesca Minini, Continua, Mennour, Templon, Pietro Spartà, seule galerie de région dans la liste de Paris+, Nathalie Obadia, Xippas, gb agency, Almine Rech, Lelong, Perrotin, Loevenbruck, Zlotowski… indique Guillaume Piens. Elles se concentrent davantage sur leurs artistes français quand elles exposent à Art Paris. »
Enfin, des galeries participant à d’autres manifestations plus spécialisées « se positionnent aujourd’hui aussi sur Art Paris », note son commissaire général, à l’instar de Brame & Lorenceau, qui s’affiche à la Tefaf Maastricht, ou encore de Bigaignon, Fisheye Gallery, ou Camera Obscura, présentes à Paris Photo.
UNE FOIRE PARISIENNE ATTRAYANTE
« Le flambeau de la scène française, c’est Art Paris qui le porte ! », résume Guillaume Piens. Ce qui n’empêche pas la manifestation de ménager une place aux exposants étrangers. Ainsi, cette édition accueille pour la première fois A Palazzo (Brescia), Baronian (Bruxelles), HdM Gallery (Pékin), Francesca Minini (Brescia, Milan), Poggiali (Florence) ou encore Nosbaum Reding (Luxembourg, Bruxelles). Selon Guillaume Piens, la Foire a reçu nombre de candidatures d’enseignes coréennes, quatre y participant cette année : H.A.N. Gallery, Gallery Woong, Gallery Simon et 313 Art Project.
À cela s’ajoutent entre autres deux galeries turques, une ougandaise et une chilienne. « Paris a retrouvé de l’attrait aux yeux des professionnels étrangers. La capitale française n’était pas un passage obligé auparavant, elle était perçue comme une ville de musées et de patrimoine, pas pour l’art en train de se faire. Il y a une nouvelle dynamique », se réjouit Guillaume Piens, qui a reçu au total 350 candidatures pour 134 places. « Confrontés à cette forte demande, nous profitons d’un développement qualitatif dans notre liste d’exposants grâce à une sélectivité accrue », assure-t-il. Devant la myriade d’artistes présentés, les visiteurs, qui restent « à 80 % français, parisiens ou régionaux », peuvent se laisser guider par plusieurs fils rouges. Outre l’habituel parcours des solo et duo shows, soit seize focus disséminés sur la Foire, ils peuvent suivre les deux thématiques proposées cette année. Le commissaire invité Marc Donnadieu a sélectionné vingt artistes autour du thème « Art et engagement », de Damien Deroubaix à Thu-Van Tran. Par ailleurs, sous la houlette d’Amanda Abi Khalil, dix-huit autres explorent celui de « L’exil », d’Iván Argote à Laure Prouvost. Art Paris est décidément la Foire qui réunit !
Art Paris Art Fair, 30 mars-2 avril 2023, Grand Palais Éphémère, Champ-de-Mars, Place Joffre, 75007 Paris.