C’est par la grande porte qu’Art Brussels retrouve les halls de Brussels Expo sur le site du Heysel, après avoir dû quitter ceux de Tour & Taxis, en partie dévolus désormais à des activités pérennes. La foire occupe maintenant le monumental palais central de l’esplanade, lieu emblématique hérité de l’Exposition Universelle de 1935, situé dans la perspective de l’Atomium. Avec sa façade de style Art déco et sa surface de 14 000 m² sous une voûte courbée, c’est la première fois que ce bâtiment prestigieux est dévolu à une foire d’art. Sûrement de quoi titiller les organisateurs de la BRAFA, qui occupent le bâtiment voisin fin janvier…
De là à dire que tout dans cette 39e édition de la foire est à la hauteur du bâtiment qui l’accueille, il y a de la marge. Le 20 avril, au terme de la journée de vernissage - qui a démarré avec une lenteur certaine pour finir sur la foule des grands soirs -, les sentiments étaient mitigés. De nombreux professionnels croisés au détour des allées regrettaient le manque d’ambition de certains stands, à l’exception notoire des solos shows. C’est donc plutôt du côté des galeries bien établies – des enseignes belges et franco-bruxelloises – que le bât blesse, car à force de ratisser large, elles finissent par manquer de personnalité et de produire un sentiment d’interchangeabilité entre leurs propositions.
Selon Alexia van Eyll (galerie Nino Mier, Los Angeles, Bruxelles, Marfa), « pour ce début de foire, ce n’est pas encore la foule sans doute attendue, mais heureusement nous ne voyons que des gens réellement intéressés et intéressants, avec lesquels nous avons l’occasion de vraiment pouvoir discuter des œuvres ». Pour Alex Reding (galerie Nosbaum Reding, Luxembourg et Bruxelles),« cette première journée s’est bien passée, surtout avec nos jeunes artistes (Gladys Bonnet, Max Coulon, William Grob, Sophie Kitching, Sophie Ullrich) et aussi pour la galerie, qui avait fait le pari de la jeunesse, comme jamais sur une foire. Cela a donné un bel élan, autant pour ces artistes que pour la galerie ». La journée s’est bien terminée pour de nombreux exposants, à l’instar de la galerie Ceysson & Bénétière (Paris, Lyon, Saint-Étienne, Luxembourg, New York) qui a annoncé un chiffre d’affaires de près de 800 000 euros.
Si la peinture occupe une place prépondérante cette année, la photographie et la vidéo sont quasi absentes, « remplacées » en quelque sorte par la céramique (déjà présente précédemment) et surtout par les structures textiles, tant dans les sections Rediscovery et surtout Discovery, en passant par le secteur principal, comme celles de William Kentridge chez Lia Rumma (Milan) affichées à 250 000 euros.
La section Discovery, traitée sur le même plan que la section principale en termes de disposition des stands, est valorisée par rapport aux éditions antérieures, tant du point de vue de l’identification des galeries que de celui de la visibilité des artistes présents. Il en va de même pour la section Rediscovery, dévolue à des œuvres créées dans la seconde moitié du XXe siècle par des artistes en partie oubliés ou méconnus. Cette dernière occupe cette fois une place spécifique dans la foire et est passée à douze galeries. Au gré des stands, on retiendra notamment Jules Olitski à la QG Gallery (Bruxelles), Mauro Staccioli (Il Ponte, Florence), Peter Hutchinson (Freight + Volume, New York) ou encore la sculptrice textile belge Tapta (Maurice Verbaet, Knokke), artiste bientôt exposée au Wiels.
Progression des solo shows
Toutes ces galeries ont privilégié les présentations monographiques et il en est de même pour la plupart de la trentaine de galeries qui composent la section Discovery. C’est la galerie Capsule Shanghai, avec l’installation de l’artiste-musicien canadien Curtis Talwst Santiago, qui a remporté les 5 000 euros du prix de cette section soutenu par Moleskine.
Si plusieurs enseignes, et non des moindres, consacrent une partie de leur stand à une portion solo, l’une ou l’autre ont pris le risque de dédier l’intégralité de leur espace à une exposition individuelle. C’est le cas de la galerie Les Filles du Calvaire (Paris) avec le jeune peintre marseillais Jérémie Cosimi qui, dans ses tableaux, met en scène ses modèles, en renouvelant les figures mythologie de manière postmoderne (de 1 000 à 2 500 euros pour les tableautins et de 16 000 à 18 000 euros pour les grands formats). On notera aussi la belle installation en diptyque d’Éva Jospin, Promenade(s) au Ruinart Art Lounge, en écho à « Panorama » ; son actuelle exposition à la Fondation Thalie à Bruxelles.
Parmi ces solo shows, on ne manquera pas celui de Thu Van Tran (Meessen De Clercq, Bruxelles), Hans Op de Beeck (Ron Mandos, Amsterdam), d’Ana Karkar, peintre américaine établie à Paris (Nosbaum Reding, de 22 000 euros à 38 000 euros), Gavin Turk (Maruani Mercier, Bruxelles, Knokke), Léonard Pongo (Kristof De Clercq, Gand), les sculptures-cartons peintes à la résine époxy de Machteld Rullens (entre 2 500 et 12 000 euros, chez Sorry We’re Closed, Bruxelles) et le travail pluridisciplinaire et politique du Colombien Marcos Avila Forero, lauréat du Prix Discovery, doté de 10 000 euros (LMNO, Bruxelles). Une belle énergie.
Art Brussels, jusqu’au 23 avril 2023, Brussels Expo, Halls 5 et 6, Place de Belgique, 1020 Bruxelles, Belgique.