Simona Denicolai et Ivo Provoost, qui collaborent depuis 25 ans, produisent une œuvre non conventionnelle, parfois déroutante. Leur pratique multidisciplinaire embrasse tant la performance que la vidéo, l’installation que l’édition, avec une prédilection pour des objets hybrides qui suscitent la réflexion chez le spectateur. Leur démarche touche en effet à la sociologie et s’appuie sur des réalités sociales dont ils se plaisent à dévoiler les contradictions. Pour la curatrice allemande Konstanze Schütze, « leur travail incorpore l’entièreté du spectre de la couverture médiatique comme outil de leur stratégie artistique ».
À Venise, cette stratégie sera mise en œuvre avec leur projet Petticoat Government (que l’on pourrait traduire par « gouvernement de jupon »), avec un pavillon considéré non comme un aboutissement du travail, mais comme un lieu de passage, une étape avec un avant et un après. Pour les artistes, il s’agit de « dépasser le format classique de l’exposition, de développer une fête gigantesque qui va durer deux ans ». Avec des figures de géants de carnaval provenant tant du nord (Belgique, nord de la France) que du sud de l’Europe (Catalogne, Italie du Sud), le duo interroge les identités culturelles et l’universalisme, mais aussi les traditions patrimoniales et les formes artistiques contemporaines. Il n’hésite jamais à jouer des paradoxes, en opérant sur « le potentiel fictionnel et subversif » de ces géants transfrontaliers qu’il considère comme « des outils d’observation magnifique pour regarder tous les mondes qui font notre société ».
Tous ces géants voyageront par voie terrestre et navigable jusqu’à Venise, non sans s’être préalablement donné rendez-vous au passage des Alpes dans le courant du mois de mars 2024, prétexte à un gigantesque pique-nique festif. Dans le pavillon lui-même, des socles construits comme de semi-architectures permettront de pénétrer sous les « jupes » des géants (d’où le titre de l’exposition), afin de découvrir l’armature du système que les artistes considèrent comme « une mise en abîme de l’architecture du pavillon et du contexte mondial des Giardini ».
La troisième étape de ce périple, après les Alpes et Venise, sera le retour vers le nord, dans des villes où la tradition des géants est bien implantée comme à Dunkerque (au FRAC Grand Large - Hauts-de-France) et en Belgique, à Charleroi (au BPS22) où le public pourra aller à la rencontre de Julia, une géante démocratique et féministe.
Simona Denicolai (née à Milan, en Italie, en 1972) et Ivo Provoost (né à Dixmude, en Belgique, en 1974) ont fait leurs études à La Cambre à Bruxelles. Ils travaillent en duo depuis 1997. Plusieurs de leurs œuvres font déjà partie de la collection du futur Kanal – Centre Pompidou à Bruxelles, tout comme celles du SMAK (Gand), Mu.Zee (Ostende), MAC’s (Grand-Hornu), BPS22 (Charleroi) ainsi que celles des FRAC Île-de-France, Pays de la Loire, Bourgogne, ou Rhône-Alpes / Institut d’art contemporain (IAC) à Villeurbanne.
Ils sont représentés par la galerie LMNO à Bruxelles.