La question de la restitution d’œuvres d’art conservées dans les musées européens, et notamment en France, est au cœur de l’actualité. Le rapport de Jean-Luc Martinez, remis le 25 avril 2023 au gouvernement, formule un certain nombre de recommandations en ce sens, en vue de légiférer prochainement.
C’est dans ce contexte que le Musée des Civilisations noires à Dakar, au Sénégal, a accueilli, du 25 au 27 avril 2023, la première édition d’un forum international réunissant une soixantaine de directeurs de musées africains et européens afin de constituer un réseau qui mette en œuvre un programme de partenariat multilatéral entre les différents établissements sur les deux continents.
« Réunir 60 directeurs de musées est historique. Un réseau est né à Dakar, un forum pour forger un futur commun. Un premier pas sur un long et passionnant chemin pour promouvoir la compréhension mutuelle », ont déclaré Hamady Bocoum, directeur du Musée des Civilisations noires de Dakar et président du comité de pilotage, et Guido Gryseels, vice-président du comité de pilotage. Lors de ces rencontres, trois grands thèmes ont été abordés, posant les jalons d’un cadre d’échange et de collaboration : les collections, les expositions et le renforcement de la capacité d’agir.
Les directeurs de musées ont adopté ensemble la « Déclaration de Dakar », signée le 27 avril 2023, que nous reproduisons ici :
« Nous, directeurs de musées d’Afrique et d’Europe, réunis au Musée des Civilisations noires à Dakar du 25 au 27 avril 2023, affirmons notre ambition de construire ensemble un futur commun dans une perspective de dialogue des cultures dont Léopold Sédar Senghor fut un des plus grands chantres.
Convaincus que les musées ont un rôle majeur à jouer pour la promotion de la paix et la compréhension mutuelle, nous relevons ensemble le défi de construire et renforcer nos partenariats afin de répondre aux enjeux contemporains et transmettre aux générations futures un esprit de confiance mutuelle et de respect.
La fonction première des musées est de lier hier, aujourd’hui et demain, ici et ailleurs, et de promouvoir la compréhension mutuelle. Nos musées ne doivent donc pas être des espaces de nostalgie mais des lieux d’inspiration dynamiques où se construit aussi le patrimoine de demain.
On a longtemps enfermé le patrimoine d’Afrique dans une vision ethnographique, c’est pourtant une richesse vivante, avec un potentiel dû à la force des images dont l’interprétation fabrique le contemporain et l’avenir de la société.
Ensemble, nous nous engageons à mutualiser nos efforts pour documenter, préserver et réinterpréter avec les communautés, les collections en Afrique et en Europe et à les mettre à disposition du public par la numérisation, la recherche, la pédagogie et les expositions. Ensemble, nous devons repenser nos pratiques en nous appuyant sur les savoirs et l’expertise endogènes pour mieux nous adapter aux enjeux climatiques et travailler sur des espaces respectueux de l’environnement.
Nous considérons que le développement d’expositions itinérantes conjointes, avec de multiples partenaires, circulant en Afrique et en Europe est un instrument de transformation des récits qui construisent notre vision du monde et de promotion du nouveau partenariat dans lequel nous nous engageons.
Ces ambitions nous inspirent pour construire un réseau durable en accord avec la gouvernance culturelle mondiale dans le domaine des musées telle qu’incarnée par l’Unesco.
Nous nous engageons ici collectivement et individuellement, chacun dans notre pays, à porter ce flambeau. »
Étaient présents à Dakar quelque 60 directeurs de musées venant de 28 pays d’Afrique (Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Éthiopie, Gabon, Ghana, Guinée-Bissau, Lesotho, Liberia, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Afrique du Sud, Tanzanie, Ouganda, Rwanda, Zambie et Zimbabwe) mais aussi de 10 pays européens (Autriche, Belgique, Danemark, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Royaume-Uni). Parmi les membres du comité d’organisation de ce forum international figuraient Emmanuel Kasarhérou, président du musée du quai Branly-Jacques Chirac, à Paris, et Laurent Montillet, directeur de l’Institut français du Sénégal.