Comment est venu ce projet de cession de parts ?
Alexandre Giguello : Il y a deux ans, les commissaires-priseurs baby-boomers – des retraités et ayants droit de commissaires-priseurs décédés représentant environ 25 à 30 % du capital – ont créé un collectif pour exiger leur sortie de Drouot. Donc, ce n’est pas un projet de ma part. Le moment n’était pas le bon à la sortie du Covid. Il fallait donc trouver des solutions de liquidités en visant 2025-2026, sachant qu’il fallait sortir environ 20-25 millions d’euros. Nous avons réussi à transformer cette contrainte en une opportunité de dynamisme économique pour le groupe Drouot avec l’arrivée dans le capital de grands acteurs de la vie économique française.
Qui sont ces investisseurs ? Quel est leur profil ?
Il s’agit de fonds d’investissement regroupant plusieurs family offices composés de membres issus de grandes familles françaises, qui ont une vision à long terme permettant l’assurance de maintenir l’indépendance du groupe Drouot. Chevrillon et Vesper sont les plus actifs dans le groupe.
Quelle part de Drouot ont-ils acquise au total ?
Au maximum 30 % en qualité d’actionnaires minoritaires, sans possibilité de racheter d’autres actions détenues par les commissaires-priseurs. De même, seul le groupe de commissaires-priseurs actionnaires peut participer au vote en assemblée dans le cas de décisions fondamentales. Rien à voir par ailleurs avec la démarche de Pierre Bergé [vers 2002, ndlr] de vouloir transformer Drouot en une seule maison de ventes dont il aurait eu le contrôle.
Et quel est le montant de leur prise de participation ?
Nous ne divulguons pas la valeur financière de cette vente [Les Échos parlent de plus de 20 millions d’euros, ndlr].
Quelles perspectives l’entrée dans le groupe d’investisseurs extérieurs ouvre-t-elle pour Drouot ?
Cela va apporter un regard neuf sur notre groupe, une gouvernance plus ouverte, ainsi qu’un partage de compétences et de réseaux. Nous préférions le choix d’un family office doté d’une vision à long terme. Et pas d’un fonds comme celui qui détient Bonhams, qui est à vendre. Une solution proposée était d’emprunter pour racheter ces parts, ce qui aurait bloqué notre développement. Tandis qu’avec l’ouverture à ces investisseurs, qui n’apportent pas directement d’argent au groupe Drouot, nous gardons notre capacité d’emprunt dans un contexte mondial incertain.
Faut-il voir dans cette prise de participation un nouvel acte de la financiarisation du marché de l’art, ou un alignement sur le modèle des maisons de ventes anglo-saxonnes ?
Le cas est différent du secteur de l’art contemporain mais c’est certainement une preuve que Drouot a su rester un fleuron du marché de l’art français. Dans tous les cas, ce n’est absolument pas un alignement sur le modèle des maisons de ventes anglo-saxonnes puisque Drouot est une plateforme multiservice pour de nombreuses sociétés d’enchères et pas une maison de ventes intégrée.
L’arrivée de ces nouveaux actionnaires va-t-elle entraîner le versement de dividendes ?
Il y aura probablement une distribution de dividendes. Ce n’était pas le cas depuis plusieurs années. Depuis sept ans que je préside Drouot, j’ai préconisé que ces dividendes soient réinvestis dans l’outil. Il reste beaucoup de chantiers pour améliorer encore le numérique, la logistique… Récemment, nous avons pu acquérir le garde-meuble de Bagnolet, accolé à Paris, qui appartenait aux commissionnaires. Nous avons pu finalement racheter le site pour 15 millions d’euros à l’été 2022. Ce lieu réunit stockage, ventes courantes et judiciaires, en ligne. Notre objectif est de constituer une flottille de véhicules de transports électriques.
Quels sont vos projets ?
À la rentrée, nous allons lancer un programme révolutionnaire d’offres immobilières en ligne, offres décachetées par un logiciel, s’appuyant sur technologie de Drouot digital. Nous allons aussi réfléchir rapidement à la façon de développer plus d’avantages pour les maisons de ventes utilisant Drouot et étant actionnaires, afin d’inciter de nouveaux commissaires-priseurs à devenir actionnaires à leur tour. Et pourquoi pas, par ailleurs, offrir un système de garantie [apportées aux vendeurs de lots importants, ndlr] pour les opérateurs, ce que font les acteurs anglo-saxons ?