À l’instar du cercle irisant jaune de Georges Rousse au Hangar, le soleil est de la partie cette année au Bruxelles Gallery Weekend, et a attiré la grande foule dans le quartier des galeries du haut de l’avenue Louise, où sont implantées les grandes enseignes bruxelloises ou parisiennes.
Mais à tout Albert tout honneur, cette rentrée était avant tout marquée par le cinquantième anniversaire de la création de la galerie d’Albert Baronian. S’il est impossible de résumer en une seule exposition un demi-siècle d’activités, la Fondation CAB – qui accueille une exposition collective intitulée « Quinquagesimum » – réussit le pari d’en offrir un aperçu aussi éclectique que convaincant. L’accent est mis sur la peinture et la sculpture d’obédiences minimalistes, toutes générations confondues. Ainsi, Daniel Dezeuze, Bernard Joubert, Olivier Mosset ou Jan Schoonhoven voisinent avec les jeunes sculpteurs belges Xavier Mary et Charlotte Vander Borght, sans oublier les membres de l’arte povera très tôt défendu par la galerie comme Mario Merz, Giulio Paolini ou Gilberto Zorio. En compagnie de Giorgio Griffa, ces deux derniers font partie du trio turinois avec lequel Albert Baronian célèbre cet anniversaire dans son propre espace.
Autre événement, celui de l’installation de la galerie parisienne Christophe Gaillard dans le bas de la ville, à un emplacement stratégique, exactement en face du futur Kanal-Centre Pompidou. Sous le titre « Signatures », une vingtaine d’artistes sont présents, avec néanmoins des ensembles significatifs consacrés à Hélène Delprat, Michel Journiac, Pierre Tal Coat, Ursula Schultze-Bluhm, Richard Nonas ou Anita Molinero. Dirigée par Sophie Roose, la galerie n’aura aucun mal à s’ancrer dans le paysage bruxellois, comme en témoigne l’annonce de la représentation en Belgique et en France de la succession du peintre belge Philippe Vandenberg (1952-2009).
Parmi les autres expositions monographiques de peintres, on retiendra le remarquable ensemble de Michel Mouffe présenté à la Patinoire royale. Toiles récentes et plus anciennes, formats monumentaux ou plus modestes, son œuvre trouve ici un écrin idéal pour en découvrir toutes les subtilités picturales et chromatiques, au-delà de la tension interne qui caractérise ses tableaux et qui l’amène à flirter avec la troisième dimension. Servies par la lumière zénithale du lieu, les toiles de Michel Mouffe sont porteuses d’une vibration optique dégageant tant de la retenue qu’une sourde énergie. De la grande peinture par un grand artiste dont la démarche mériterait une réelle reconnaissance institutionnelle et internationale.
Un autre vaste espace, celui de la galerie Almine Rech, accueille un bel ensemble de peintures récentes de Larry Poons. Elles se situent à l’opposé de l’opacité faussement monochrome de Mouffe, avec leur foisonnement virevoltant de couleurs que l’on peine à identifier comme des paysages ou de luxuriantes forêts. Traces de gestes et de coups de pinceau confèrent à ces toiles de format panoramique une étonnante vivacité, un trouble héritage issu de l’impressionnisme comme de l’expressionnisme abstrait poussé à la saturation extrême de la surface picturale.
Le changement d’ambiance est radical avec les peintures à l’huile figuratives de la peintre franco-israélienne Nathanaëlle Herbelin, que présente pour la première fois Xavier Hufkens dans son espace Rivoli. Scènes intimistes et portraits, qui le sont tout autant, semblent renouer avec une peinture de genre, celles d’individus du quotidien – souvent des proches de l’artiste – saisis dans leur espace domestique, sans fausse pudeur. Au-delà du portrait initial, ses compositions multiplient plans et arrière-plans, figures quasi abstraites de fenêtres, portes, encadrements. Soit autant d’ouvertures vers la lumière d’un univers à première vue des plus méditatifs.
Le nouveau bâtiment de la galerie Hufkens accueille quant à lui la très attendue exposition de l’artiste flamand Thierry De Cordier, plutôt rare. Intitulée « Passe-montagne », elle regroupe près d’une centaine d’œuvres réparties sur quarante ans, sans pour autant constituer une rétrospective, loin de là. Outre quelques objets, le dessin et l’écriture y occupent une place prépondérante, tous visualisant ses idées et illustrant son approche philosophique du monde.
Ambiguïtés d’un monde et d’une pensée prolifique également chez Gilles Barbier, qui en tisse les trames et en déroule les strates à partir de quelques personnages iconiques des comics américains, à la galerie Huberty & Breyne. Sculptures, assemblages, dessins, gouaches sont disposés dans un cheminement qui laisse libre cours à l’imagination et aux références culturelles du visiteur. À lui de déchiffrer les rébus visuels que l’artiste se plaît à multiplier dans une exposition foisonnante, dans tous les sens du terme.
« Quinquagesimum », jusqu’au 25 novembre 2023, Fondation CAB, 35 rue Borrens, 1050 Bruxelles, www.fondationcab.be;
« Da Torino », jusqu’au 10 novembre 2023, galerie Baronian, 2 rue Isidore Verheyden, 1050 Bruxelles, www.baronian.eu
« Signatures », jusqu’au 28 octobre 2023, galerie Christophe Gaillard, 50 Quai du Commerce, 1000 Bruxelles, www.gaeriegaillard.com
« Michel Mouffe. Tous les matins du monde », jusqu’au 23 septembre 2023, La Patinoire Royale, 15 rue Veydt, 1060 Bruxelles, www.prvbgallery.com
« Larry Poons. Recent Paintings », jusqu’au 4 novembre 2023, galerie Almine Rech, 20 rue de l’Abbaye, 1050 Bruxelles, www.alminerech.com
« Nathanëlle Herbelin. Individed Attention », jusqu’au 21 octobre 2023, galerie Xavier Hufkens, 107 rue Saint-Georges, 1050 Bruxelles, www.xavierhufkens.com
« Thierry De Cordier, Passe-montagne », jusqu’au 14 octobre 2023, galerie Xavier Hufkens, 6 rue Saint-Georges, 1050 Bruxelles, www.xavierhufkens.com
« Gilles Barbier. Propriétaire ? Locataire ? », jusqu’au 14 octobre 2023, galerie Huberty & Breyne, 33 place du Châtelain, 1050 Bruxelles, www.hubertybreyne.com