La grande exposition « Philip Guston » a finalement été inaugurée à la Tate Modern à Londres (ouverture au public du 5 octobre 2023 au 24 février 2024). Elle avait été reportée en 2020 en raison d’une polémique liée à la présence de représentations de membres du Ku Klux Klan dans des œuvres de l’artiste canado-américain décédé en 1980. « Philip Guston Now » devait initialement ouvrir en juin 2020 à la National Gallery of Art de Washington, aux États-Unis, avant de voyager au Museum of Fine Arts (MFA) de Houston, à la Tate Modern à Londres et enfin, à l’automne 2021, au Museum of Fine Arts (MFA) de Boston.
Après avoir annoncé un report de l’événement de huit mois lié à la pandémie de Covid-19, les quatre musées ont provoqué la colère d’une grande partie du monde de l’art en annonçant qu’ils repoussaient l’ouverture de l’exposition à 2024. Les responsables de la Tate avaient déclaré en 2020 que « procéder seuls n’aurait pas été possible pour des raisons financières et logistiques et aurait été un manque de respect pour nos musées partenaires ».
Bien qu’il n’y soit pas fait explicitement référence dans la déclaration publiée par les musées le 21 septembre 2020, les peintures et dessins de Guston représentant des personnages cagoulés évoquant le Ku Klux Klan semblent avoir été la cause de cet ajournement. Les musées ont déclaré qu’ils reportaient l’exposition « jusqu’à ce que nous estimions que le puissant message de justice sociale et raciale qui est au cœur de l’œuvre de Philip Guston puisse être plus clairement perçu ». L’exposition de Boston a ouvert ses portes au début de l’année 2023, après avoir « subi une reconfiguration radicale, s’appuyant désormais sur un accrochage thématique et non plus chronologique ».
Philip Guston, The Line, 1978. © The Estate of Philip Guston. Courtesy Hauser & Wirth
Celle de la Tate Modern aborde la question du Ku Klux Klan dès le début du parcours, avec des cartels indiquant que « Guston a très tôt dépeint l’injustice raciale dans son œuvre… Guston se concentre sur les auteurs de violences racistes [dans l’œuvre Drawing for Conspirators réalisée à l’âge de 17 ans], en plaçant un membre du Ku Klux Klan au premier plan ». Dans la section suivante, intitulée « Hoods », « Guston s’interroge sur les personnes qui se cachent derrière les cagoules et sur la manière dont leurs idéologies violentes sont masquées dans la société », peut-on lire dans un texte mural.
Interrogée sur le report de l’exposition, Maria Balshaw, directrice de la Tate, a expliqué à The Art Newspaper que ce délai supplémentaire avait permis aux commissaires de l’exposition de voyager et de mener des recherches plus approfondies. Cette période a permis la réalisation d’un film sur une peinture murale réalisée par l’artiste au Mexique (The Struggle Against Terrorism, 1934-1935) produit spécialement pour l’exposition de la Tate. Cette peinture murale a pour thème la résistance à la persécution et à la violence depuis le Moyen Âge jusqu’à la montée du Ku Klux Klan aux États-Unis.
« Nous avons modifié certains aspects de l’exposition… Environ 75 % est identique, nous a confié Michael Raymond, co-commissaire de l’exposition. Nous avons ajouté quelques œuvres supplémentaires. Nous voulions présenter l’exposition de manière plus chronologique afin d’aider les visiteurs à se faire une idée des tableaux de Hoods et à comprendre le contexte dont Guston est issu dans les années 1920 et 1930. Nous avons toujours voulu nous appuyer sur ses liens transnationaux, en couvrant ses voyages à Rome et au Mexique ».
Philip Guston, The Line, 1978. © The Estate of Philip Guston. Courtesy Hauser & Wirth
Dans un article paru dans The Times, la critique Laura Freeman a écrit après avoir découvert le parcours : « Ce n’est pas l’exposition à laquelle nous nous attendions. Elle était censée être l’exposition controversée de Philip Guston, l’exposition de Philip Guston qui a failli être annulée, l’exposition de Philip Guston motif de la guerre des cultures. Je m’attendais à des avertissements, à des hashtags "Black Lives Matter", à des espaces sécurisés et à des salles de convalescence pour toute personne affectée par les questions soulevées. La Tate Modern a fait quelque chose de beaucoup plus radical : elle a organisé une exposition sur la peinture ».