Depuis trois mois à peine, Didier Fusillier a pris ses fonctions de président de la RMN – Grand Palais et les commandes d’un chantier spectaculaire. Son objectif : ouvrir la nef et une partie des galeries au mois d’avril 2024 pour les Jeux olympiques et paralympiques, les espaces dévolus au Centre Pompidou en 2025, et le Palais de la découverte en 2026. En tout, 72 000 m2 à rénover de fond en comble, une mission prise en cours de route à la suite du départ de Chris Dercon, et un projet plusieurs fois modifié pour le rendre réalisable. Les grandes lignes architecturales sont lancées avec les équipes de François Chatillon : simplifier et décloisonner les espaces pour revenir au plus près des volumes d’origine. Et l’heure est à l’action. Plus de 550 personnes travaillent en même temps sur le chantier, depuis la structure des voûtes et des verrières monumentales jusqu’aux tesselles minuscules des mosaïques. « L’espace est plus grand que le château de Versailles, au pied des Champs-Élysées ! C’est l’un des plus importants chantiers en France à l’heure actuelle. Il n’y a pas un pan de mur qui n’ait été retravaillé. Nous allons par exemple passer de 2 à 38 ascenseurs! Et je veux que le Grand Palais devienne un nouveau palais des fêtes ! » s’exclame Didier Fusillier.
Très inspiré par le modèle des Maisons du Peuple dans les Flandres, cet homme du Nord vient du théâtre. Sa vie professionnelle a commencé à la tête des Folies de Maubeuge et de la Maison des arts de Créteil. Le public le connaît pour sa mise en œuvre des programmes Lille « capitale européenne de la culture » en 2004 et Lille 3000. Les Micro-Folies destinées à faire découvrir l’art à des publics qui en sont éloignés, c’est lui aussi. En 2011, il a été conseiller de Martine Aubry pour la culture. Depuis 2015, il était le président de la Grande Halle de La Villette, à Paris. Il compte bien inscrire le Grand Palais dans le territoire parisien, en développant des liens avec le Petit Palais voisin et en s’intéressant aux 33 hectares de jardin qui séparent le Théâtre du Rond-Point de la place de la Concorde.
PRÉFIGURATION DU SITE
Dans la nef, les structures ont retrouvé leur vert caractéristique et l’escalier d’honneur, sa couleur ocre originelle. Des films ont été appliqués sur les verrières pour réfléchir les rayons du soleil. Au sol, des tons de sable, comme dans un manège équestre. Une dalle chauffante l’hiver et rafraîchissante l’été a été posée, activée par l’eau de la Seine. Trois espaces accueilleront des expositions de part et d’autre, et au centre des performances, des concerts, des spectacles d’été, des événements sportifs, des privatisations pour des marques comme Chanel, des foires comme Paris+ par Art Basel, Art Paris, FAB Paris ou Paris Photo… Au Champ-de-Mars, le Grand Palais Éphémère, pensé pour la durée des travaux de la nef, sera démonté et peut-être réinstallé dans une autre ville en France.
« Je crois dans l’absolue nécessité du service public et dans celle d’une rentabilité de la structure, car le volume des ressources propres doit s’élever à 80 % du budget total de 87 millions d’euros, dont un emprunt de 200 millions d’euros à rembourser sur vingt-cinq ans, invoque le président de la RMN. Il y a une volonté très forte du président de la République Emmanuel Macron et de la ministre de la Culture Rima Abdul Malak pour le Grand Palais. » Didier Fusillier compte aussi inviter d’autres institutions, comme l’Institut français de la mode, et travailler avec la Réunion des musées nationaux (RMN) : « Je voudrais fortifier la RMN en instaurant des liens nouveaux entre les différents musées, peut-être sous la forme de thèmes, et en mettant en valeur les ateliers de moulage, le service des éditions, l’agence de photographie, les nombreuses boutiques, etc. » Son programme pour le Grand Palais, encore en cours, est placé sous le signe de la collaboration : « Nous allons organiser un certain nombre d’expositions, dont celle qui sera consacrée à Nan Goldin en 2026 dans le Salon d’honneur, et qui est actuellement visible au Stedelijk Museum, à Amsterdam [«This Will Not End Well », jusqu’au 28 janvier 2024]. On ne peut pas être seul dans un bâtiment comme le Grand Palais », souligne-t-il. Cela tombe bien, car le Palais de la découverte est installé là, et le Centre Pompidou s’apprête à y intervenir pendant sa fermeture. « Ici, le grand sujet est celui des combinatoires. Les espaces attribués au Centre Pompidou seront de 2 800 m2. Le Grand Palais n’a pas de collections, c’est donc pour nous une chance d’accueillir une telle institution. Par ailleurs, nous sommes déjà en train de travailler à des programmes de conférences avec les équipes de Mathieu Potte-Bonneville et de Jean-Max Colard », précise-t-il. Et par qui le site sera-t-il géré ? « Sur les 400 agents de la RMN, une centaine sera déployée sur le site. Auxquels il faut ajouter 180 agents du Centre Pompidou », répond-il.
Le descriptif que Didier Fusillier fait du Grand Palais en activité ne ressemble à aucun modèle connu : une institution qui en abrite plusieurs, avec une large part d’utopie. Il rappelle à la fois l’esprit du Pirelli HangarBicocca, à Milan, celui du CentQuatreParis de José-Manuel Gonçalvès et celui encore du Voyage à Nantes de Jean Blaise. Lors de notre visite du bâtiment vide, Didier Fusillier évoque la vaste galerie des enfants, gérée avec la Cité des sciences et de l’industrie, qui s’étendra au rez-de-chaussée du côté de la Seine, ainsi que l’ouverture d’une boutique et de deux lieux de restauration, le restaurant Loulou, comme au musée des Arts décoratifs, et un café tenu par Thierry Marx. Autant d’espaces accessibles gratuitement.
« Lille a été une fête, car différentes structures ont su s’associer, du musée des Beaux-Arts à l’Opéra, explique-t-il. Le plaisir de vivre vient du plaisir de la rencontre de gens que l’on ne connaît pas, de l’inspiration que suscitent les choses nouvelles. Il faut être avec son temps. Aujourd’hui, tout semble lourd. Nous devons créer un havre de paix et de rassemblement. J’aimerais faire venir un public nouveau, qui entre au Grand Palais sans savoir ce qu’il va voir. »