À Singapour, Art SG, la première foire internationale d’art d’Asie du Sud-Est, est confrontée à une baisse de 29 % du nombre de ses exposants par rapport à la première édition qui s’est tenue l’année dernière. Du 19 au 21 janvier, 116 galeries seront réunies au Marina Bay Sands Expo and Convention Centre, au cœur du quartier financier de la ville-État. Parmi les 39 exposants qui ne reviendront pas cette année figurent de grands noms comme Esther Schipper, Sadie Coles HQ, Skarstedt et Perrotin.
« Dans le sillage de la pandémie de Covid-19 et des pressions inflationnistes mondiales, nous reconnaissons que les galeries, comme beaucoup d’autres structures dans le monde, tentent de réduire les frais liés à leurs activités dans l’environnement économique actuel », explique Magnus Renfrew, cofondateur de la foire. Il souligne que la deuxième édition d’Art SG conservera une « dimension respectable », la foire accueillant à nouveau une poignée de galeries internationales de premier plan, telles que Thaddaeus Ropac, Gagosian et White Cube. Un tiers des exposants viendront d’Asie du Sud-Est, notamment les galeries locales STPI et Art Seasons, ainsi que SAC de Bangkok. Environ 68 % des exposants seront issus de la région Asie-Pacifique au sens large, notamment Kukje (Séoul, Busan), Station (Melbourne, Sydney) et Maki (Tokyo).
La valorisation de la position de Singapour en tant que « plaque tournante naturelle » de la région Asie-Pacifique est essentielle au succès d’Art SG. « Si l’on considère la population de l’Asie du Sud-Est, elle est de la même taille que celle de l’Europe, constate Magnus Renfrew. La logique veut qu’il y ait une grande foire dans cette région. » Mais les témoignages de certaines galeries faisant état de ventes en demi-teinte l’année dernière à Art SG montrent que Singapour a encore du mal à générer un important marché de l’art. « La base de collectionneurs de la ville est trop petite pour soutenir à elle seule une foire de cette envergure », explique Magnus Renfrew.
C’est pourquoi son équipe a redoublé d’efforts pour séduire les VIP de toute la région. Au cours des huit derniers mois, Art SG a organisé des événements à Jakarta, Shanghai, Manille, Sydney et Bangkok pour susciter l’intérêt – des efforts qui pourraient porter leurs fruits pour cette édition. Art SG a également pu s’appuyer sur la clientèle plus large de ses holdings, The Art Assembly et Angus Montgomery Arts, qui organisent cinq autres foires d’art dans la région Asie-Pacifique : Taipei Dangdai, India Art Fair à New Delhi, Tokyo Gendai, Sydney Contemporary et Photofairs Shanghai. MCH, la société mère d’Art Basel, reste un partenaire discret avec une participation de 15 %. Des contacts ont également été établis avec les institutions culturelles de la région : cette année, Art SG organise une visite de la Biennale de Thaïlande à Chiang Rai (jusqu’au 30 avril) pour ses VIP.
La liste des collectionneurs locaux, des clients potentiels, s’allonge également. Le statut de Singapour, une destination huppée, a été renforcé pendant la pandémie de Covid-19 par l’afflux de personnes fortunées fuyant Hongkong et la Chine continentale. Selon Magnus Renfrew, certains de ces exilés montent actuellement des projets artistiques, dont quelques-uns seront prochainement annoncés. Ces initiatives s’ajoutent à celles de collectionneurs privés locaux qui organisent des événements parallèlement à la foire. Pierre Lorinet présentera une exposition d’œuvres de sa collection à la galerie Gillman Barracks et la fondation privée The Institutum accueillera l’exposition « Translations : Poétique afro-asiatique », organisée par Zoe Whitley, directrice de la Chisenhale Gallery de Londres.
Singapour reste l’un des endroits les plus attrayants d’Asie pour les entreprises et la ville-État ne prélève aucun impôt sur les plus-values ni sur les successions. Les touristes peuvent demander une exonération de la taxe sur les biens et services (TBS, équivalent de la TVA) si les œuvres d’art qu’ils achètent à Singapour quittent le pays ou sont stockées dans un port franc. La TBS de 8 % (contre 7 % l’année dernière) qui s’ajoute aux achats ne répondant pas à l’un de ces critères rend toutefois l’acquisition d’œuvres d’art à Singapour plus onéreuse qu’à Hongkong, où cette taxe n’existe pas.
L’un des points faibles de la ville – son manque de « contexte national fort » par rapport à d’autres centres asiatiques du marché de l’art – est considéré comme un avantage par Magnus Renfrew. « Singapour est le seul territoire neutre restant en Asie », déclare-t-il, faisant référence à la fois à la capacité de la ville anglophone à jeter un pont entre l’Ouest et l’Est, et à sa position relativement sûre dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes entre la Chine et ses voisins. Ces facteurs, ainsi que sa capacité à accueillir de multiples cultures, en font une « offre irrésistible ».
Art SG, du 19 au 21 janvier 2024, Marina Bay Sands Expo and Convention Centre, Singapour