« J’ai envie de repartir sur les routes, revenir au métier tel qu’on le faisait auparavant, aller à la rencontre des objets chez les gens. J’en avais peut-être un peu assez d’avoir un magasin ». C’est par ces mots sincères et simples que François Hayem, célèbre antiquaire parisien spécialisé dans le XVIIIe siècle, explique ce qui l’amène à céder à Drouot, les 19 et 20 février 2024, par l’intermédiaire de la maison de ventes Coutau-Bégarie & Associés, l’ensemble du mobilier et objets d’art qu’il exposait dans sa galerie de la rue du Bac à Paris ou qu’il gardait en réserve. Issu d’une longue lignée de marchands – son arrière-grand-père était brocanteur près de Nancy –, il s’installe en 1976 dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés pour ne plus le quitter.
La vacation, qui comporte plus de 400 lots, se divise en trois parties : la première est dédiée principalement aux œuvres du XVIIIe siècle. Parmi les masterpieces figurent deux ensembles en plâtre patiné et or issus de l’atelier du sculpteur « figuriste » Joseph Deschamps (Deux groupes de jeunes filles portant des cornes d’abondance, est. 60 000-100 000 euros) ; une commode à la grecque d’époque transition attribuée à Jean-François Oeben (est. 30 000-40 000 euros) ; ou un cabinet en laque du Japon (période Edo) posé sur un piétement en bois sculpté d’époque Régence (est. 40 000-50 000 euros).
« Je n’ai jamais voulu m’imposer de limites, ni dans les époques, ni sur les pays d’origine des objets, précise François Hayem. Ce qui compte, c’est le choc, l’émotion, le feeling. Je n’ai jamais acheté de sang-froid ». Rien d’étonnant donc à découvrir dans le catalogue un fauteuil de bureau Empire estampillé par François Loret, fournisseur du mobilier impérial à partir de 1811 (est. 25 000-30 000 euros) ; un cabinet anglais « seaweed » de style William and Maryattribué à Gerrit Jensen (est. 40 000-50 000 euros) ; ou encore un vase à eau et son bassin signés et datés « Enrico Scalabrini fece - Milano 1874 » (est. 10 000-15 000 euros).
La deuxième partie de la vacation est consacrée à l’Extrême-Orient sous forme d’un « cabinet chinois ». Le collectionneur pourra enchérir, entre autres, sur un vase « YenYen » du XIXe siècle (est. 3 000-4 000 euros) ; une peinture de l’école de Canton (est. 10 000-12 000 euros) ; ou sur deux sculptures représentant des démons japonais (ère Meiji, est. 10 000-15 000 euros).
La troisième partie, quant à elle, se concentre sur les objets restés dans les réserves de l’antiquaire. « J’aimerais donner à cette vente un esprit de collection, conclut-il. J’ai beaucoup travaillé avec le célèbre "groupe des cinq" [les antiquaires parisiens Jacques Perrin, Michel Meyer, Maurice Segoura, Jean-Marie Rossi et Didier Aaron, ndlr] ainsi qu’avec la famille Steinitz. Ils ont influencé mon regard et renforcé ma passion. Un bon tiers des pièces de la vente est passé par mon appartement avant d’être présenté dans la galerie ». Cet esprit est confirmé par la décoratrice Roxane Rodriguez, auteure de la préface du catalogue et qui connaît François Hayem depuis l’âge de 7 ans. « J’ai toujours été très impressionnée par sa culture, nous confie-t-elle. Son regard dissèque les objets comme un scalpel. C’est un amoureux des pièces qui dégagent un parfum des siècles passés. Son humilité et son humanité en font l’un des marchands les plus talentueux de sa génération, un monument discret de l’antiquité ».
« François Hayem, une vie de passion », Coutau-Bégarie et Associés, 19 et 20 février 2024, Drouot, 75009 Paris, www.coutau-begarie.com