« L’art est un continuum […] au sens où les artistes “travaillent avec” en traversant les périodes historiques et en se répondant les uns aux autres », écrit Hans Ulrich Obrist dans l’introduction des Conversations du Louvre. Adepte du format de l’entretien, l’auteur et commissaire d’exposition suisse abandonne l’interview formelle pour lui substituer des promenades dans les galeries de l’ancienne résidence royale, créant ainsi des échanges in situ entre artistes contemporains et œuvres historiques.
Inspiré des Dialogues du Louvre (1972) de Pierre Schneider, l’ouvrage se compose de onze entretiens avec des artistes nourrissant un attachement fort au musée parisien. Exercice d’équilibre entre discussions menées par le critique d’art et visites guidées par les artistes, ces échanges sont l’occasion pour ces derniers de se souvenir de leurs premières impressions du Louvre et de montrer à Hans Ulrich Obrist leurs salles favorites, tandis qu’il les interroge sur les liens entre les œuvres et leur pratique.
Un voyage dans le temps
Annette Messager, Sheila Hicks, Daniel Buren ou encore Julien Creuzet invitent ainsi l’auteur, et le lecteur, à un voyage dans le temps sous la forme d’un va-et-vient permanent entre les collections du Louvre et des problématiques contemporaines. Les œuvres centenaires et millénaires deviennent autant de points de départ pour aborder leur propre travail, mais aussi des sujets d’actualité tels que le dérèglement climatique, le manque de femmes dans les collections ou encore la décolonisation du musée. Car ces conversations ne traitent pas uniquement d’art, elles s’intéressent au musée en lui-même : le rôle de l’accrochage des œuvres dans leur réception ou encore l’étrangeté de leur décontextualisation des murs pour lesquels elles ont été conçues sont des idées qui reviennent de discussion en discussion.
L’habileté d’Hans Ulrich Obrist lui permet toutefois d’éviter toute redondance. La conversation est ramenée à ce qui distingue ou rapproche le travail des artistes des œuvres qu’ils ont face à eux ; l’on peut regretter seulement de ne pas les voir avec eux. Le lecteur qui connaît mal les collections du musée déplorera le manque d’illustrations, même si des descriptions en quelques mots viennent parfois à son secours. Le livre donne surtout envie d’aller au Louvre dès que possible pour admirer ces chefs-d’œuvre qui sont, selon les termes de Barbara Chase-Riboud, « une preuve du cours du temps et de l’histoire ».