L’une des principales chroniqueuses de la scène artistique new-yorkaise de ces cinquante dernières années raccroche (en grande partie) son clavier : Roberta Smith, co-critique d’art en chef du New York Times, prend sa retraite à l’âge de 76 ans.
Dans un communiqué publié le 11 mars 2024 par le New York Times, Sia Michel, rédactrice en chef adjointe pour la Culture, et Barbara Graustark, rédactrice en chef pour l’Art, ont rendu hommage au travail de Roberta Smith, saluant ses plus de 4 500 contributions depuis qu’elle a commencé à écrire pour le Times en tant que pigiste en 1986. Roberta Smith a rejoint l’équipe du quotidien en 1991 et est devenue co-critique d’art en chef, titre qu’elle a partagé avec Holland Cotter.
« Pendant plus de cinquante ans, Ro[berta] a consacré la nouveauté, célébré les oubliés et demandé des comptes aux institutions sur de nombreux aspects, notamment en matière de représentativité et d’acquisitions, tout en portant une attention renouvelée à des champs marginalisés de la création artistique, en particulier l’art brut et les métiers d’art », a salué Barbara Graustark. Et Sia Michel d’ajouter : « Roberta est une critique d’avant-garde dont les brillants comptes rendus et les recommandations ont toujours guidé mon amour de l’art. Dès que je rentre chez moi après avoir vu une exposition sur laquelle elle a écrit, je relis immédiatement sa critique pour voir les idées que j’ai manquées. »
Avant d’écrire pour le Times, Roberta Smith a collaboré au Village Voice et à Art in America, tout en travaillant à la Paula Cooper Gallery, au Museum of Modern Art de New York, pour l’artiste minimaliste Donald Judd et en participant au célèbre programme d’études indépendantes du Whitney Museum of American Art. Sa passion pour l’art minimal, conceptuel et abstrait – en 1987, elle a organisé l’exposition « Abstraction in Process » à l’Artists Space à New York – était évidente pour les lecteurs réguliers de ses critiques. Au fil des ans, elle y a fait l’éloge d’artistes abstraits tels que Hilma af Klint et Robert Ryman, Stanley Whitney et On Kawara. Mais elle a aussi défendu le retour de la peinture figurative (dans une critique élogieuse de la récente rétrospective d’Henry Taylor au Whitney Museum, par exemple), chroniqué des expositions historiques dans les institutions, grandes et petites, couvert les biennales majeures et même parfois (avec une certaine réticence) écrit sur les foires d’art.
Dans un post sur Instagram, Roberta Smith a écrit à propos de sa retraite qu’elle « n’ira pas loin » et prévoit de « contribuer à de courtes critiques pour le Times tous les deux mois ». Et même si elle écrira moins, elle semble destinée à rester un élément incontournable du monde artistique new-yorkais.
« J’aurai plus de temps pour m’adonner à mon principal centre d’intérêt, qui est d’aller dans les galeries et les musées, de regarder des choses, écrit-elle. Mais ce sera la première fois depuis 1972 – à quelques exceptions près – que je n’aurai pas d’engagements réguliers en matière d’écriture, ce que j’ai du mal à appréhender. Je pense pouvoir dire que l’art m’a permis de rester jeune – ou quelque chose comme ça. »
Roberta Smith a été la première lauréate du Dorothea and Leo Rabkin Foundation Lifetime Achievement Award, en 2019. Son mari, Jerry Saltz, est le principal critique d’art du magazine New York. Son départ à la retraite marque le dernier bouleversement dans le monde des critiques d’art des publications américaines généralistes. Après le décès de son critique de longue date Peter Schjeldahl en 2022, le New Yorker a récemment embauché Jackson Arn pour le remplacer.