« Prendre une photographie, c’est rendre visible les choses invisibles qui reposent sous la surface. » Ces mots de la photographe japonaise Ishiuchi Miyako ont donné son titre à la prochaine édition des Rencontres de la photographie, qui sera proposée dans la cité arlésienne durant tout l’été (1er juillet-29 septembre 2024). Pour son directeur, Christoph Wiesner, le titre « Sous la surface » est un moyen de souligner l’ambition du festival d’aller « au-delà de l’apparence des choses » et d’imaginer une programmation qui reflète la multiplicité du monde et des regards portés sur lui.
Ce titre est aussi un clin d’œil à l’un des invités d’honneur de cette édition : le Japon. Outre le travail d’Ishiuchi Miyako, lauréate du prix Women In Motion 2024, quatre expositions feront la part belle à la photographie nippone, qu’elle se conjugue au féminin dans une exposition produite par Aperture, qu’elle brosse un portrait des amas, ces pêcheuses plongeant en apnée dans les eaux de la péninsule, ou qu’elle contribue à produire une mémoire visuelle du drame de Fukushima, entre résilience et résistance.
Le reste de la programmation du festival et des institutions qui lui sont associées sera comme toujours foisonnant. Christoph Wiesner et Aurélie de Lanlay entendent avant tout « prendre le pouls du monde » à travers des expositions reflétant une conscience aiguë des réalités sociales, politiques et écologiques qui le façonnent. La Fondation Manuel Rivera-Ortiz consacrera ainsi une exposition collective à la notion d’engagement. Première femme à la tête de l’agence Magnum, la photographe espagnole Cristina de Middel, qui signe aussi l’affiche de cette édition, tourne son objectif, entre documentation et fiction, vers les migrations du Mexique jusqu’aux États-Unis. Dans Beirutopia, Randa Mirza observe quant à elle l’évolution du Liban vers la crise qu’il connaît aujourd’hui. Ancien photojournaliste, Stephen Dock pose la question de la représentation de la guerre dans un monde anesthésié par le flux d’images de souffrance qui circulent en continu sur nos écrans. Marine Lanier nous invite à une réflexion dystopique sur l’évolution de notre flore en proie au changement climatique.
Chaque édition des Rencontres d’Arles est l’occasion d’un regard en arrière. Cette année, une rétrospective mettra à l’honneur l’une des grandes photographes de notre siècle, l’Américaine Mary Ellen Mark (Espace Van Gogh), qui a capturé les célébrités autant que les personnes à la marge. Des (re) découvertes sont attendues : celle du groupe de Cali, ce « gang créatif » engagé, actif dans les années 1970 et 1980 en Colombie ; celle de Lee Friedlander vu par le cinéaste Joel Coen ; celle d’une photographie documentaire « conceptualisante » ou encore celle de l’histoire du graffiti vue à travers l’objectif. La photographie d’archives ou vernaculaire sera quant à elle explorée sous le prisme de différentes thématiques : l’histoire du wagon-bar, le rapport de la photographie au sport, la révolution verte, les tenues militaires américaines…
Le festival se veut aussi défricheur de talents et continue de faire la part belle à la photographie émergente. Cette année, le Prix Découverte Fondation Louis Roederer déménage et s’installera à l’Espace Monoprix où les photographes sélectionnés semblent tous exprimer un « sentiment d’intranquillité ». Le programme Arles Observatoire permettra quant à lui à dix étudiants de l’École nationale supérieure de photographie de se confronter au territoire arlésien.
Ce tour d’horizon ne donne qu’un aperçu sélectif de la riche programmation que « les amoureux de la photographie attendent chaque année avec gourmandise », ainsi que l’a poétiquement résumé la ministre de la Culture Rachida Dati. Cette édition sera aussi marquée par le grand retour du Off, très regretté ces dernières années, et bien sûr le Grand Arles Express qui emmènera les visiteurs jusqu’à Marseille, Nîmes, Avignon, La Celle, Mougins et Saint-Rémy-de-Provence.