Nicolas Kalmakoff, peintre symboliste mystique
Né en 1873 en Italie d’un père russe et d’une mère italienne, Nicolas Kalmakoff est nourri toute son enfance par les histoires fantastiques racontées par sa gouvernante allemande, dont l’univers n’aurait sans doute pas déplu à H. P. Lovecraft ou Mikhaïl Boulgakov. Diplômé de l’École impériale de droit de Saint-Pétersbourg, il s’oriente pourtant vers la peinture qu’il apprend en autodidacte. S’il se rapproche du mouvement artistique du renouveau russe Mir Iskousstva [Le Monde de l’art], son œuvre est bercée par l’effroi et la folie, sans doute inspirés par son métier de jeunesse, auprès des malades d’un hôpital italien. Elle reste profondément marginale et scandaleuse. En 1908, la grande actrice Vera Komissarjevskaïa lui commande les décors et les costumes pour une pièce d’Oscar Wilde, Salomé, qu’elle monte à Saint-Péterbourg. L’auteur livre une fresque qui s’articule autour d’un énorme sexe féminin, création aussitôt condamnée par l’Église orthodoxe, qui fait interdire la pièce dès la première.
La réputation du peintre, qualifié tour à tour de « Gustave Moreau corrigé par une Byzance infernale », d’« Audrey Beardsley possédé par le Diable » ou de « Fernand Khnopff sous hallucination érotico-mystique » est alimentée par son soutien à la secte millénariste russe des Scoptes.En 1924, Nicolas Kalmakoff fuit les bolcheviques, quitte la Russie et s’installe à Paris. Malgré quelques expositions, à Paris ou Bruxelles, il sombre peu à peu dans l’oubli et finit sa vie dans un hospice pour nécessiteux, à Chelles, à 82 ans.
Parmi les 24 dessins et peintures dispersés sous le marteau d’Olivier Collin du Bocage figure une importante huile sur panneau datée de 1924, Mort d’Adonis, estimée entre 60 000 et 90 000 euros. Il est amusant de mentionner que c’est un parent du commissaire-priseur, Bertrand Collin du Bocage, qui, associé à Georges Martin du Nord, a redécouvert le peintre, lors d’une « chine » aux Puces de Saint Ouen, en 1972.
« Art russe », jeudi 18 avril 2024, Collin du Bocage, Hôtel Drouot, 75009 Paris, www.collindubocage.com
Seund Ja Rhee, une abstraction sous le signe du Yin et du Yang
Au début des années 1950, Paris agit comme un aimant pour de nombreux artistes étrangers venus notamment d’Asie. Le Vietnamien Mai Thu, le Chinois Chu Teh-Chun, la Japonaise Aiko Miyawaki ou l’Indien Sayed Haider Raza ont, parmi tant d’autres, posé leurs valises dans la capitale. Cette « scène asiatique parisienne » connaît aujourd’hui un succès grandissant : Sayed Hader Raza vient d’approcher son record absolu aux enchères en réalisant 4,7 millions d’euros pour une de ses toiles, Paysage agreste, à Antibes en mars dernier. Malgré une exposition qui leur est entièrement consacrée en 1971 à la Cité Internationale des arts à Paris, les artistes coréens, ont, eux, été longtemps moins reconnus. En 1953, Seund Ja Rhee, poussée à l’exil par la guerre de Corée, intègre la fameuse académie de la Grande Chaumière dans le quartier Montparnasse. En 1968, elle s’installe dans une bergerie à Tourrettes-sur-Loup en Provence et y fait construire, selon ses plans, un atelier en forme de deux hémisphères symbolisant le Yin et le Yang. La partie Yin est dédiée à la gravure, la Yang, à la peinture. Son œuvre, qui s’oriente alors définitivement vers l’abstraction, évoque selon le critique Gaston Diehl « un zen enchanteur […] un paysage de l'âme qui ne peut céder à aucun romantisme, car elles font revivre tous les pouvoirs magiques de la nature en général ». Sa Composition abstraite orange bleue et violette présentée mardi 16 avril par Gros et Delettrez est estimée entre 25 000 et 30 000 euros.
« Tableaux modernes et contemporains », mardi 16 avril 2014, Gros et Delettrez, Hôtel Drouot, 75009 Paris, www.gros-delettrez.com