Vu le climat géopolitique et ses interférences économiques et sociétales sur le sol européen, les galeries, à quelques exceptions notables près, ont visiblement joué la prudence. La foire bruxelloise s’adresse manifestement plus à des collectionneurs privés qu’à des institutions publiques, d’où l’absence de pièces pouvant être considérées comme muséales. Une belle exception cependant, avec l’immanquable sculpture de Peter Buggenhout baptisée On Hold #14, de 2019, qui trône en majesté sur le stand de la galerie Vervoordt (Anvers), affichée à 170 000 euros.
Autre enseigne ayant joué le jeu d’une manière encore plus radicale, la bruxelloise QG de Quentin Grosjean propose un duo de choc, composé d’une sculpture au sol de Richard Long (autour de 150 000 euros) encadrée de cinq toiles monochromes monumentales (3 x 3 mètres) d’Olivier Mosset. Traitées à la peinture hygroscopique, elles en imposent par leur luminosité. Le risque pour la galerie s’est avéré payant puisque trois d’entre elles ont trouvé preneur le premier jour (à 75 000 euros pièce).
La visite commence fort dans le grand hall 5 de la foire avec un très beau solo immersif des peintures féeriques de Bea Scaccia chez Maruani Mercier (Bruxelles) et l’improbable mais réussi dialogue entre les toiles de Valerio Adami et celles de Salvo proposé par la Dep Art Gallery (Milan), avant de baisser d’un ton avec la section REDISCOVERY un peu moins passionnante que les années précédentes. Outre un hommage à la galeriste Iris Clert (1917-1986) chez Livinec (Paris), cette section met surtout en avant des artistes abstraits quelque peu négligés comme Tomas Rajlich (né en 1940) chez ABC-ARTE (Milan) ou Jan van Munster (né en 1939) à la galerie Ramakers (La Haye). Pour le reste, la peinture figurative, avec parfois une certaine tendance au fantastique, domine largement dans cette partie de la foire, comme sur le stand de la galerie madrilène VETA, avec des œuvres de Matias Sanchez, Abraham Lacalle et Eduardo Sarabia.
Dans le même ordre d’idées, Albert Baronian (Bruxelles) se réjouissait « d’avoir vendu, dès les premières minutes de la foire, trois petits paysages du peintre belge Charles-Henry Sommelette au Musée Voorlinden [Wassenaar] aux Pays-Bas ». Même son de cloche entendu à la galerie Ceysson & Bénétière, où Ivana Garel (directrice de l’espace de Saint-Étienne) se réjouissait d’avoir très vite vendu une grande lithographie colorée à la main de Frank Stella « dès l’ouverture de la foire à un nouveau client, rencontré ici pour la première fois, alors que cela fait maintenant longtemps que nous participons au salon ». Ailleurs, les sentiments sont plus mitigés, en raison de l’attentisme ambiant.
C’est dans le second hall que l’on retrouve davantage l’ADN d’Art Brussels, foire de découvertes mêlant galeries établies, d’autres en devenir ainsi que des lieux plus expérimentaux. On y visite aussi des stands plus « curatés ». Y sont logées les sections DISCOVERY, réservée aux jeunes galeries, et INVITED, carte blanche dédiée aux espaces innovants. Parmi ceux-ci, outre la structure bruxelloise Gauli Zitter, lauréate du prix de 5 000 euros, on retiendra le stand de la galerie parisienne Spiaggia Libera qui propose, avec « Divine Desire », une exposition assez convaincante sur l’idée du corps augmenté et de la figure du cyborg, explorant notamment les relations entre l’humain et la technologie.
Dans la section DISCOVERY (dont le prix de 5 000 euros également est allé à la galerie moldave Lutnita), le solo d’Elvire Bonduelle sur le thème du « confort » chez Double V (Marseille, Paris) ne passe pas inaperçu ; ses œuvres y sont proposées dans une fourchette allant de 3 500 à 6 500 euros. Dans un tout autre style, et pour sa première participation, la galerie parisienne Anne-Laure Buffard frappe fort avec un environnement du duo Bachelot & Caron, intitulé « Les assassins assassinés », en hommage à Chantal Akerman et à Magritte, centenaire du surréalisme oblige. Peintures photographiques et céramiques s’y entremêlent dans une mise en abîme hybride, l’ensemble étant proposé à 105 000 euros, les pièces pouvant néanmoins être acquises individuellement.
Le nouveau prix du projet « Sculpture for the City », d’une valeur de 10 000 euros, a été attribué à Marion Verboom (galerie Lelong & Co., Paris, New York) avec son duo totémique « Tectonie ». Le prix REDISCOVERY, d’un montant de 9 000 euros, est allé à la galerie londonienne Richard Saltoun, tandis que le prix du meilleur stand SOLO, d’une valeur de 10 000 euros, a été décerné à l’artiste Paulo Nimer Pjota, représenté par la galerie Mendes Wood DM (São Paulo, New York, Paris, Bruxelles).
Art Brussels, jusqu’au dimanche 28 avril 2024, Brussels Expo, 1 Place de Belgique, 1020 Bruxelles, www.artbrussels.com