Monsieur le Président de la République,
Madame la ministre de la Culture,
Pour des travaux de rénovation, le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou est condamné à être fermé cinq ans, au minimum, de 2025 à 2030. C’est une atteinte majeure à la vie culturelle de notre pays. C’est même une faute grave.
Nous, professionnels de l’art et de la culture, soucieux du rang de la France dans le monde, tenons à exprimer notre profonde inquiétude et notre incompréhension.
Le Centre Pompidou, avec sa prestigieuse collection du musée national d’Art moderne (MNAM), est aujourd’hui un symbole international. Sa fermeture prolongée privera Paris d’une de ses principales vitrines artistiques.
Les conséquences seront désastreuses sur le plan culturel et pédagogique, mais aussi sur le centre vivant de la capitale autour de l’Hôtel de Ville – le Marais, Saint-Merri, les Halles –, affectant ses habitants, ses touristes et son activité économique.
Certes, des travaux de réfection sont nécessaires, pour désamianter le bâtiment et améliorer l’accueil des visiteurs. Cependant, ils peuvent et doivent être réalisés de manière fragmentée, sans fermer complètement l’ensemble du site. Des solutions existent : déménager hors du bâtiment principal tout ce qui n’est pas ouvert au public ; déplacer les collections dans les étages au fur et à mesure des travaux ; utiliser les vastes espaces disponibles au Palais de Tokyo, conserver le Grand Palais éphémère.
Cette mise en quarantaine du bâtiment bouleversera les structures de l’offre artistique à Paris. Nous avons tous applaudi à l’ouverture de la Fondation Louis-Vuitton, de la Bourse de Commerce et bientôt de la Fondation Cartier au Louvre. Ces lieux contribuent à notre enrichissement culturel, mais il ne faudrait pas laisser le champ libre au secteur privé et les laisser se substituer, malgré eux, au service public que constitue le Centre Pompidou. L’État doit continuer à jouer pleinement son rôle.
Nous, signataires, appelons à un retour du bon sens et au respect des ambitions culturelles de la France. Nous demandons que les travaux soient planifiés de manière à garantir l’ouverture au public et la continuité du Centre Pompidou. Le dossier doit être rouvert.
Nous nous tournons vers vous Monsieur le Président de la République, Madame la ministre de la Culture : c’est à vous, en effet, qu’il appartient de prendre les mesures nécessaires pour préserver ce symbole de notre culture et de notre modernité.
Imaginerait-on le Louvre ou la Bibliothèque nationale fermer leurs portes pendant cinq ans sans lieu alternatif ? La continuité de nos institutions est essentielle. Toutes celles qui ont été confrontées à cette situation ont su se restructurer sans interrompre in situ leurs activités. Pourquoi le Centre Pompidou devrait-il faire exception ?
Pour le respect de notre patrimoine culturel, pour tous ceux qui en ont fait un lieu familier de plaisir et d’enrichissement de l’esprit, le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou doit rester accessible et vivant en lieu et place.
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Premiers signataires :
Nicolas Bourriaud, curateur et critique d’art
Daniel Buren, artiste
Guillaume Durand, journaliste et écrivain
Jean Claude Gandur, Fondation Gandur pour l’art
Julie Gayet, actrice, productrice et réalisatrice de cinéma
Gérard et Elisabeth Garouste, artiste peintre, designer
Danièle Kapel-Marcovici, présidente du groupe Raja
Catherine Millet, critique d’art, écrivaine
Alain Minc, essayiste
Jean-Gabriel Mitterrand, directeur de galerie d’art
Alain Seban, ancien président du Centre Pompidou
Daniel Templon, directeur de galerie d’art
Jacques Toubon, ancien ministre, ancien défenseur des droits
Manuel Valls, ancien premier ministre
Hubert Vedrine, ancien ministre