Plébiscité puis honni, régulièrement réhabilité, le style exubérant tout en volutes et arabesques apparu à la fin du XIXe siècle ne cesse de diviser. À l’origine porteur d’une modernité progressiste, l’art que l’on qualifie dès les années 1920 de « style guimauve », « persil », « nouille » ou encore « anguille », fait toujours actuellement l’objet d’une réévaluation, en Belgique notamment, à travers le prisme de l’histoire coloniale. Soutenu par les autorités à des fins de propagande, l’Art nouveau belge s’est en outre nourri des formes et matériaux congolais massivement importés… tant et si bien qu’à partir de 1897, avec le succès populaire de la section coloniale de l’Exposition universelle à Bruxelles, cette esthétique se voit communément appelée « style Congo ».
Que ce soit dans des institutions d’art contemporain (on se souvient en particulier de « Style Congo. Héritage et hérésie » au CIVA en 2023), des musées de société ou des sites patrimoniaux, les expositions se succèdent à Bruxelles afin de mieux (re)mettre en lumière l’influence sur la création artistique qu’a pu exercer le système d’exploitation mis en place par Léopold II, puis par la Belgique envers le pays d’Afrique centrale nommé alors État indépendant du Congo (1885-1908), puis Congo belge (1908-1960).
REPENSER LES COLLECTIONS
Un espace bruxellois de promotion de l’Art nouveau fondé en 2023, le LAB·An, s’empare du sujet avec une présentation pédagogique en guise d’introduction à la visite de l’hôtel van Eetvelde voisin. Depuis peu rouvert au public, après la restauration de son jardin d’hiver surmonté d’une spectaculaire verrière en rotonde, l’édifice – commandité en 1895 par Edmond van Eetvelde, tour à tour administrateur, secrétaire général, puis ministre d’État du Congo – constitue sans doute l’une des réalisations les plus audacieuses de l’architecte belge Victor Horta. On y retrouve partout son emblématique ligne sinueuse ou ligne « coup de fouet ». Si le motif évoque le mouvement de l’instrument du cocher, comment ne pas penser aujourd’hui à la tristement célèbre chicote, outil de châtiment et de torture utilisé par l’Administration coloniale et ses auxiliaires.
L’AfricaMuseum, à Tervuren, propose, quant à lui, avec l’exposition temporaire « Rethinking Collections » une réflexion richement documentée sur l’indispensable travail de recherche de provenance des œuvres et objets constituant ses fonds, pour la plupart acquis durant la période coloniale. Poursuivant cette même logique, un « Parcours provenance » s’inscrit au fil des collections permanentes et révèle que telle statue Nkisi Nkonde (ou fétiche à clou) a été volée lors d’une expédition punitive en 1878, tel masque Luba
renommé pillé par les troupes royales en 1896… venant nourrir avec précision le débat public et préparer d’éventuelles mesures de restitution.
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« Rethinking Collections », 19 janvier-29 septembre 2024, AfricaMuseum, Leuvensesteenweg 13, 3080 Tervuren, Belgique.
LAB·An × Hôtel van Eetvelde, avenue Palmerston 2-4, 1000 Bruxelles, Belgique.