On ne compte plus les expositions consacrées à Pablo Picasso. Le dessin, la céramique, la guerre, la Méditerranée, la Préhistoire, le spectacle, le cinéma… son œuvre n’en finit pas d’être explorée sous toutes les coutures. « Picasso iconophage » est pourtant née du constat d’un besoin de renouveler les regards sur cet artiste prolifique. Pour Cécile Godefroy, responsable du futur centre d’études du musée national Picasso-Paris, « l’approche dominante de l’œuvre de Pablo Picasso est l’approche biographique ». Elle propose, avec Anne Montfort-Tanguy du musée national d’Art moderne, à Paris, de l’étudier à l’aune de la longue tradition picturale dont il n’a eu de cesse de se réclamer : « Son rapport ambigu à l’histoire de l’art pose à la fois la question des sources et celle de leurs modes d’appropriation. »
Une vaste iconographie
Ce rapport est étudié suivant quatre thématiques : le héros qui, chez Pablo Picasso, connaît un sort cruel ; le Minotaure, figure phare de sa production des années 1930 ; le voyeur qui reflète sa grande liberté en tant qu’artiste ; enfin, le mousquetaire, qui accapare ses œuvres tardives. La scénographie, à travers l’exposition de quelques chefs-d’œuvre des collections nationales, met en lumière la manière dont l’artiste regardait les grands noms de l’histoire de l’art : Jacques-Louis David, Nicolas Poussin, Francisco de Goya ou encore Édouard Manet et Henri Matisse. Ses sources relèvent autant de l’art avec un grand A que du vernaculaire. Au cours de sa vie, le peintre a glané des milliers d’objets et d’images dont une partie est présentée au cœur du parcours : les cartes postales d’œuvres de Pierre Paul Rubens côtoient les arts primitifs, des bandes dessinées, des caricatures, des magazines politique ou people, des afiches… Plutôt qu’une influence à proprement parler, l’ensemble de ces images est un moyen pour Pablo Picasso de « se mesurer » à ceux qui l’ont précédé ainsi que l’explique Anne Montfort-Tanguy : « L’œuvre réalisée ne cite pas tant l’image originelle qu’elle ne la réactive. »
La grande hétérogénéité du musée imaginaire de Pablo Picasso est aussi symptomatique d’une nouvelle manière de penser l’image au début du XXe siècle, époque où le développement des moyens de reprographie permet de découvrir une vaste iconographie jusqu’alors inaccessible. « Cette multiplication des images a conduit à penser l’image dans un ensemble plus large et autoriser des rapprochements d’objets qui étaient pourtant éloignés dans le temps et l’espace. » Pour Anne Montfort-Tanguy, la réponse à la modernité de la conception picturale, qui, chez Pablo Picasso, est en constante métamorphose, se trouve dans cet immense répertoire visuel, lequel sera prochainement mis à la disposition des chercheurs dans le cadre du centre d’études – dont l’ouverture est prévue au premier trimestre 2025. Son portail numérique a été mis en ligne en juin 2024.
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« Picasso iconophage », 11 juin - 15 septembre 2024, musée national Picasso-Paris, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris.