Couleurs et pliages sont les maîtres mots de la pratique d’André Pierre Arnal, décédé ce dimanche 7 juillet à Montpellier. Il fut l’un des membres fondateurs du groupe Supports / Surfaces, branche occitane et niçoise (Vincent Bioulès, Daniel Dezeuze, Bernard Pagès, Patrick Saytour, Claude Viallat), par opposition à la branche parisienne (Louis Cane, Marc Devade). Il fut une figure historique donc, sans en être pour autant la plus médiatique, car Arnal avait un autre centre d’intérêt aussi important que la peinture : la littérature. Il enseigna en effet le français pendant une trentaine d’années et publia de nombreux opus en tant qu’auteur.
On lui doit également des écrits sur sa pratique, dont un texte des plus évocateurs, Que trame la couleur au pli de la trame, paru dans l’emblématique revue apparentée à Supports / Surfaces, Peinture Cahiers théoriques (n°6-7, avril 1973).
Couleur, trame et pliage constituent les strates d’un travail qui se concentre sur le support unique et fondamental de la toile, selon le processus d’un engagement physique que le résultat final rend sans doute difficilement perceptible. Chez Arnal, le support-toile reste de dimension humaine, et il s’agit d’un véritable corps à corps avec celui-ci : le carré de toile est posé au sol et l’artiste s’y penche pour effectuer deux opérations consécutives et successives : le pliage du tissu et la vaporisation de la peinture, opérations répétées au fur et à mesure. « Il y aura autant de passages colorés que de stades de pliages, et leur ordre s’établit du plus petit vers le plus grand », affirme-t-il (1). Ces diverses opérations minutieuses de repliements à partir d’une toile carrée aboutissent dès lors à un résultat final ayant paradoxalement l’apparence d’une géométrie construite et parfaitement maîtrisée.
Cela n’a pas empêché André-Pierre Arnal de ne cesser d’explorer et d’expérimenter une infinie diversité de techniques qui l’ont toujours ramené et ancré dans le réel. Chez lui, il est invariablement question de « froissages », de « fripages », de ficelages, de frottages, de collages, mais aussi d’arrachements ou de déchirures, tous termes qui peuvent également donner lieu aux titres de ses œuvres. L’espace new-yorkais de la galerie Ceysson & Bénétière lui consacre actuellement un « duo show » avec l’artiste américain Ted Gahl, jusqu’au 26 juillet 2024
(1) André-Pierre Arnal, cité dans le catalogue Les années Supports Surfaces dans les collections du Centre Georges Pompidou, Paris, Galerie nationale du Jeu de Paume, 1998, p. 34.