Lorsque l’artiste brésilien meurt prématurément en 2016 à l’âge de 64 ans, son fils Antônio Mourão est amené à créer en 2017 l’Institut Tunga, une organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’étudier, préserver et diffuser l’héritage de son père. Le défi est de taille pour cet avocat de formation qui n’évoluait pas dans le monde de l’art. Huit ans plus tard, épaulé par la très expérimentée Clara Gerchman – fille de l’artiste brésilien Rubens Gerchman (et ami proche de Tunga) qui dirige depuis la mort de son père en 2008 l’Instituto Rubens Gerchman –, tout est enfin prêt pour un retour en force de l’œuvre de Tunga.
Installé dans l’ancien atelier de l’artiste à Barra da Tijuca, à 30 minutes de Rio de Janeiro, l’Institut Tunga compte aujourd’hui douze professionnels, dont des conservateurs, muséologues, chercheurs, archivistes et l’incontournable Fernando qui, depuis 30 ans, monte avec précision les installations de Tunga. L’équipe prend soin de la collection que Tunga a laissée, qui comprend tout, des œuvres d’art à ses matériaux et outils de travail, en passant par ses cahiers, ses photographies, des publications et une importante bibliothèque. Tout est conservé sur place dans des conditions optimales.
Un comité d’authentification composé de trois personnes compétentes proches de l’artiste a également été formé : le critique d’art Paulo Venâncio Filho et les artistes Everardo Miranda et Waltercio Caldas. Les certificats d’authenticité sont délivrés en ligne par la plateforme Verisart – cette certification blockchain est une première au Brésil pour un artiste.
Un catalogue raisonné inédit des œuvres en 2D – dessins, photographies, gravures et œuvres sur tissu – et qui sera bilingue, en anglais et en portugais sera gratuitement mis en ligne à la fin de cette année par Cahiers d’Art. Le catalogue comportera également des textes de spécialistes et le « Glossaire Tungien », une liste des significations des expressions, des éléments et des thèmes qui apparaissent dans le travail de l’artiste. Organisé par la spécialiste Christina Gabaglia Penna et soutenu par la banque brésilienne Itaú Cultural et la compagnie d’eau Sabesp, le projet se concentre sur pas moins de 10 000 œuvres (9 000 conservées dans le fonds de l’Institut et 1 000 chez les collectionneurs du monde entier).
Par l’entremise de Vincent Kieffer et en collaboration avec les deux galeries qui représentent aujourd’hui Tunga – Luhring Augustine à New York et Millan à São Paulo –, une exposition d’envergure se prépare dans le sud de la France, au Château La Coste dans le sublime pavillon conçu par Oscar Niemeyer, de fin septembre 2024 à début janvier 2025. La première en France depuis la mort de l’artiste. Elle présentera un ensemble de dessins de la série « Anges avec maquillage » produite en 2000, une installation « verte », des sculptures de la série « Morphologique » et les croquis inédits de l’installation « Psicopompos » produite in situ en 2008 et placée justement devant le pavillon Niemeyer. Un dialogue intéressant est prévu entre les pièces installées à l’intérieur du pavillon et l’œuvre à l’extérieur. Ce sera aussi une rencontre de deux géants brésiliens, le Pritzker Prize Oscar Niemeyer et Tunga, lui-même architecte de formation.
Tunga est un monument au Brésil, mais en France aussi. Dans son pays natal, il est à l’origine de la création en 2006 de l’extraordinaire parc botanique et muséal d’Inhotim du collectionneur Bernardo Paz, dans l’État du Minas Gerais. Deux pavillons lui sont dédiés, dont la fameuse installation Vrai Rouge de 1997. Les nombreuses interventions de l’artiste en France, son pays de cœur, sont mémorables : avec « Modernidad : « Art brésilien du XXe siècle » au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1987 ; à la Galerie nationale du Jeu de Paume en 1992 avec « Désordres » et aussi en 2001 ; à la Fondation Cartier en 1998 ; à la 5e Biennale de Lyon en 2000 ; au CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux en 2001 pour une exposition monographique… Tunga a en outre été le premier artiste contemporain à avoir exposé au musée du Louvre en 2005 avec une installation monumentale sous la pyramide intitulée À la Lumière des deux mondes. Suivront encore le Palais de Tokyo en 2014 et le Festival de Chaumont-sur-Loire en 2015.
Le prochain projet de l’Institut Tunga ? Rouvrir des résidences d’artistes sur le site de l’atelier à Rio comme avait l’habitude de le faire Tunga pour les jeunes talents. Et regarder l’avenir.