Dans quel contexte historique et politique avez-vous décidé de changer le nom du French Institute Alliance Française [FIAF] en Alliance New York ?
À mon arrivée, j’ai réfléchi au positionnement de l’institution et à sa mission de promotion des cultures des pays de la Francophonie. Nous sommes une organisation américaine qui sert un public new-yorkais souvent international. Ce changement de nom [intervenu en juillet 2024] a pour ambition de mieux incarner cette vision et ces valeurs. Le FIAF était la fusion, en 1972, de l’Alliance française de New York, l’une des plus anciennes au monde [fondée en 1898] laquelle a fêté ses 125 ans en 2023, et du Museum for French Art – The French Institute in the United States, créé en 1911. Nous sommes l’Alliance française de New York, mais, contrairement à ce qu’indiquait le précédent nom, nous ne sommes pas l’Institut français qui émane des services culturels de l’ambassade de France. Nous avons un théâtre, une salle d’exposition... Nous produisons et proposons des spectacles, nous représentons un outil pour les artistes.
Pourquoi avez-vous choisi ce nom, L’Alliance New York ?
Dans un contexte politique compliqué, en France comme aux États- Unis, où les risques pesant sur la liberté de création sont nombreux, j’ai choisi ce mot « alliance » qui fédère et promeut l’universalisme. Nous sommes indépendants de tout gouvernement et sans but lucratif. Cette alliance est celle de tous les pays francophones, de l’éducation et de la culture. C’est un beau mot, compréhensible en français et en anglais, un mot qui élève.
Avez-vous des interlocuteurs institutionnels privilégiés à NewYork ?
Nous collaborons avec beaucoup d’autres organismes : la Villa Albertine, La Maison Française de New York University et le lycée français de New York, à Manhattan, le consulat général de France, mais aussi l’Instituto Cervantes, ainsi que de plus grandes structures tels le MoMA [Museum of Modern Art], le Met [Metropolitan Museum of Art] ou encore la BAM [Brooklyn Academy of Music] – avec laquelle nous coprésentons le prochain spectacle du metteur en scène et dramaturge Tiago Rodrigues en novembre 2024. Nous travaillons avec les cinq boroughs [arrondissements] de la ville (Manhattan, Brooklyn, le Queens,
le Bronx et Staten Island), avec des lieux comme New York Live Arts, Chocolate Factory...
Comment le renouvellement que vous avez souhaité faire du Festival Crossing The Line se traduit-il ?
J’ai nommé une nouvelle directrice artistique, Violaine Huisman, pour repenser et clarifier notre programmation. Aujourd’hui, nous voulons avoir une vision artistique plus déterminée pour les arts vivants, le monde littéraire et les arts visuels. Nous allons commencer par renfor- cer nos programmes phares, ainsi de Crossing The Line, que nous avons étendu de un à trois mois (Crossing The Line, Festival de L’Alliance New York, 5 septembre-7 décembre
2024, divers lieux, New York, États-Unis) afin de faire revenir nos publics régulièrement. Cette année, une exposition de l’artiste franco-américaine Nina Childress inaugurera l’événement. L’Alliance a pour mission de créer des ponts culturels entre les États- Unis et la France.
Nous avons aussi Animation First, un festival d’animation francophone que nous aimerions « faire voyager ». Et nous voulons lancer un festival de bande dessinée francophone à partir de mars 2025, dans la continuité d’Animation First. À ce sujet, nous sommes en dialogue avec Marjane Satrapi, à qui nous proposons de présenter une exposition de son travail, avec des planches originales de Persepolis.
Je souhaiterais également développer notre bibliothèque, laquelle est aujourd’hui généraliste, pour la concentrer sur le livre d’art, le livre de poésie, le livre jeunesse, et encore sur des ouvrages destinés à l’apprentissage du français. Je voudrais faire des travaux dans cet espace pour pouvoir organiser des conférences sur l’architecture, le design, la mode...
À la direction des programmes cinématographiques, vous avez nommé Jake Perlin. Son intérêt historique pour le cinéma expérimental donnera-t-il une coloration à votre offre ?
Jake Perlin a participé à la fondation de Metrograph [petit cinéma indépendant ouvert en 2016 dans le Lower East Side, à Manhattan], à New York, où il programmait 700 films par an. Jusqu’à présent, les projections dans nos murs avaient lieu le mardi. Nous aimerions les déplacer au vendredi, samedi et dimanche, en montrant des classiques, des films restaurés. Un programme à la fois patrimonial et expérimental ouvert à un large public. Nous voulons également développer l’offre jeunesse le samedi, toute la journée, avec des films accessibles aux enfants. Aujourd’hui, l’Alliance n’est pas identifiée comme un cinéma, je souhaiterais que ce soit le cas dorénavant.
Avez-vous des projets architecturaux, notamment pour la galerie d’exposition qui est de taille réduite ?
Notre espace d’exposition est limité, mais nous y présentons de grands artistes tels Eva Jospin, Omar Ba ou le dessinateur Sempé, par exemple. J’aimerais réaliser des travaux pour la bibliothèque et avoir un écran plus grand dans le cinéma. Nous avons déjà modifié le hall d’entrée où a été installé un néon « Je vous aime » du plasticien Pascale Marthine Tayou. Je voudrais aussi construire un bar pour en faire un véritable lieu de vie. Actuellement, nous avons un budget annuel de 15 millions de dollars [13,4 millions d’euros], fourni notamment par des donations de mécènes et les revenus du centre de langue. Nous possédons également un campus à Montclair, dans le New Jersey, où nous ouvrons une preschool [école offrant un programme d’immersion en français pour les enfants âgés de 2 ans et demi à 5 ans] en septembre 2024.
Comment voyez-vous la position de L’Alliance dans le paysage institutionnel new-yorkais d’aujourd’hui ?
L’Alliance est un centre pluridisciplinaire d’art et de culture, ainsi qu’un centre d’éducation. Je souhaite qu’il devienne un lieu qui donne envie d’apprendre et de connaître différentes cultures, même pour ceux qui ne parlent pas français. Cette richesse et cette ouverture au monde sont rares. Dans notre skyroom, que j’ai fait rénover, nous allons par exemple présenter le spectacle Le Petit B de Marion Muzac, accessible à partir de 2 ans et destiné aussi aux plus grands. Nous enseignons aux élèves de 1 à 101 ans !
À l’automne, vous organisez une exposition d’un artiste oublié, Robert Markell [1924- 2020], à l’atelier Idem, à Paris. Est-ce pour vous une autre façon de promouvoir la culture américaine ?
C’est un peu ça! C’est l’histoire étonnante d’un photographe, producteur de cinéma et directeur artistique, dont l’œuvre a été redécouverte par hasard dans une tag sale [vente après décès dans laquelle la maison d’un particulier est entièrement ouverte à la vente, avec tout ce qu’elle contient] aux États-Unis.
L’exposition, dont j’assure le commissariat en collaboration avec Olivia Bransbourg, montre des estampes, des aquarelles et des peintures. Elle se tiendra, à partir du 13 octobre 2024, dans l’imprimerie d’art Idem, un lieu historique construit en 1881 dans le quartier de Montparnasse, qui a accueilli les presses lithographiques de maîtres tels que Henri Matisse, Pablo Picasso, Joan Miró ou Marc Chagall, et qui continue d’inspirer une nouvelle génération d’artistes contemporains. Ce sera une découverte...
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L’Alliance New York, 22 East 60th Street, New York, NY 10022, États-Unis.