Votre collection a commencé par l’art contemporain chinois. Comment l’expliquez-vous ?
P.-D.: En effet, avec peut-être un tableau chinois vu à Shanghai. L’un de nos premiers voyages ensemble avec Céline a d’ailleurs eu lieu en Chine. Avant de nous rencontrer, j’avais déjà commencé à m’intéresser à l’art contemporain chinois en achetant quelques toiles avec Pierre Cornette de Saint Cyr à son retour de Hong Kong, après une visite avec César pour y installer une aile de l’artiste. Pierre Cornette de Saint Cyr avait visité le China Club et avait vu les premiers artistes chinois post Tian’anmen qui émergeaient. Il y avait aussi à l’époque la galerie Loft à Paris, rue des Beaux-Arts, lancée par Jean-François Roudillon et Jean-Marc Decrop, ce dernier basé en Asie. Elle montrait les premiers peintres chinois contemporains. Avec Céline, nous avons alors accéléré la constitution de la collection. Aujourd’hui, nous avons 140 tableaux de la première génération chinoise, mais nous avons complètement laissé tomber l’art chinois actuel auquel nous ne comprenons plus rien.
Que va devenir ce grand ensemble ?
P.-D.: Nous aimerions en faire une fondation. Si tout se passe bien, nous l’installerons à Saint-Ouen. Nous discutons avec le maire de cette ville depuis un an pour trouver un lieu. Ce dernier est devenu célèbre car il a été pressenti pour devenir Premier ministre il y a deux mois.
Qu’est-ce qui guide vos achats en général ?
P.-D.: Ils obéissent souvent à des thèmes ou des coups de cœur. Nous collectionnons beaucoup l’art contemporain africain car Céline qui, comme moi, adore l’Afrique, a eu un gros coup de cœur pour cette scène picturale. Nous avons aujourd’hui une centaine de tableaux africains. Nous achetons beaucoup de jeunes artistes chez Anne de Villepoix, mais nous avons aussi quelques stars, avec une grande œuvre de William Kentridge ou une peinture de Kehinde Wiley, acquise chez Templon. Nous venons d’acheter deux tout petits portraits de cet artiste. Dans le salon se trouve une sculpture de Yinka Shonibare représentant un personnage juché sur une mappemonde.
Comment avez-vous acquis cette sculpture ?
P.-D.: L’histoire est insolite. Nous l’avions vue à Art Basel à Bâle et nous avions voulu l’acheter, mais elle était déjà vendue. Des mois plus tard, nous nous retrouvons à la foire du Cap en février, juste avant l’arrivée du Covid. Nous y voyons une petite pièce du même artiste, représentant un petit enfant, et nous discutons avec le galeriste. Céline lui raconte alors notre déception d’avoir raté une de ses sculptures à Bâle et nous lui montrons la photo. Le galeriste nous a alors appris qu’elle n’avait pas été vendue, car l’acquéreur n’avait pas payé ! Nous avons alors pu l’acquérir, une belle surprise !
L'art coréen a-t-il aussi vos faveurs ?
P.D.: Nous avions acheté un premier tableau lors d’une FIAC et nous avons continué à acheter de l’art coréen. Nous étions encore à Séoul en septembre dernier...
A.-C.-D: Ce que j’aime, c’est le geste et la simplicité de revenir sans cesse à la même gestuelle, comme une méditation. C’est à la fois contemporain et traditionnel.
Quid de ce vitrail de Wim Delvoye autour de la danse de mort ?
P.D.: Nous l’avons acheté aux enchères chez Christie’s. Il est resté longtemps au storage, jusqu’à ce que Céline ait l’idée d’imaginer un vitrail dans lequel l’œuvre prendrait place. J’ai cru qu’elle avait perdu la tête. Or, le résultat est une réussite totale ! Un jour, à Bâle, nous avons croisé Wim Delvoye et nous lui avons montré la photo; il a adoré. Céline a beaucoup d’audace...
Chez vous, l’aménagement est unique, le contraire du minimalisme...
A.-C.D.: Je m’inspire d’une œuvre de la collection pour concevoir tout ce qui va autour au mur, au sol... Ce qui fait qu’ensuite cela empêche mon mari de changer l’œuvre de place ! Cela reflète mon caractère joyeux. J’aime la couleur, l’aspect chaleureux, les belles choses, les tissus... J’aime associer un tableau africain et un papier peint par exemple. La couleur est très importante pour l’énergie ! À Paris, on a un peu tendance à oublier la couleur autour de soi. Dès qu’on voyage en Inde ou en Afrique, on se rend compte que les gens sont beaucoup plus colorés que les Parisiens ! J’assume pleinement mon excentricité. Je n’ai pas peur du jugement des autres.
Que rêvez-vous d'acquérir ?
A.-C.-D: Sans doute une sculpture de William Kentridge. Son œuvre est tellement protéiforme, son imaginaire infini !
P. D.: Un petit Rembrandt peut-être ! Mais j’aime tellement de choses en peinture. L’un de mes coups de cœur est une porte représentée par Vermeer, extraordinaire. Et pour compléter mon musée idéal, en contemporain, un Lucian Freud, un Francis Bacon...