L’étiquette conçue pour le millésime 2022 de Château Mouton Rothschild, premier grand cru classé à Pauillac, dans le Médoc, a été révélée lors d’une soirée suivie d’un dîner d’exception à la propriété ce samedi 30 novembre 2024.
Le peintre français Gérard Garouste a créé pour l’occasion une œuvre inédite en hommage au centenaire de l’arrivée du baron Philippe de Rothschild à la tête du prestigieux domaine, dont on peut lire la devise faisant face aux barriques dans le spectaculaire Grand chai, inauguré en 1926 : « Mouton ne change ».
Ancien élève au lycée Michel de Montaigne à Bordeaux, habitué des séjours d’été sur le Bassin d’Arcachon, le baron Philippe prend les rênes du domaine à 20 ans, en 1922. En 1924, il est pionnier dans la mise en bouteille intégrale au château – initiative bientôt suivie par tous les grands crus.
Pour ce millésime 1924, il innove également en demandant à son ami affichiste Jean Carlu de créer une étiquette spéciale afin d’habiller les bouteilles. Après ce premier essai resté sans lendemain, le « poète vigneron », comme il aimait le dire, reprendra l’idée en 1945, persuadé qu’« un grand vin est une œuvre d’art ».
Dès lors, l’illustration des étiquettes de Mouton est confiée à des artistes contemporains, disposant d’une totale liberté de création en échange de caisses de précieux flacons. Les premières années, des amis de la famille sont sollicités : Leonor Fini, Marie Laurencin, Carzou…
L’année 1955 marque un tournant, lorsque Georges Braque, séduit par l’originalité du projet, propose spontanément de réaliser un dessin. Il sera suivi par les plus grands artistes de la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à ce début de XXIe siècle, forgeant la légende d’une vendange associée à une création originale, dont témoigne l’extraordinaire collection des œuvres successives réalisées pour chaque millésime, exposée au château.
Gérard Garouste, pour ce millésime 2022, rejoint la longue liste où figurent Salvator Dalí, César, Joan Miró, Marc Chagall, Pablo Picasso, Andy Warhol, Pierre Soulages, Francis Bacon, Balthus, Jeff Koons, David Hockney, Annette Messager, Ólafur Elíasson, Peter Doig et, pour le précédent millésime 2021, Chiharu Shiota.
L’étiquette du millésime 2022 de Château Mouton Rothschild illustrée par une création originale de Gérard Garouste.
« L’œuvre de Gérard Garouste peut se lire à la manière d’un blason qu’il faut décrypter. Elle comporte trois images très fortes : le bélier, le fronton de Château Mouton Rothschild et le portrait du baron Philippe, précise Julien de Beaumarchais de Rothschild, copropriétaire de Château Mouton Rothschild, en charge de l’activité artistique et culturelle de la propriété et des relations avec les artistes. Tout commence par une rencontre : celle du baron Philippe et du fronton, emblématique de Mouton depuis toujours. De cette rencontre est issu un symbole qui les transcende et les exprime l’un et l’autre : le bélier, double incarnation à la fois du baron Philippe dont il est le signe astrologique, et de Mouton Rothschild dont il traduit le nom et l’énergie vitale. Pour moi, cette étiquette est l’histoire d’une métamorphose. »
« Tout était assez précis dans cette carte blanche. Le souhait de Julien de Beaumarchais de Rothschild était de célébrer l’anniversaire du centenaire de l’arrivée du baron Philippe à Mouton, explique Gérard Garouste. La particularité de ce château est aussi son fronton, qui fait penser à un temple grec ou romain. Le bélier est enfin le thème de la famille, que l’on retrouve partout. J’ai associé dans ma composition ces trois éléments. J’ai représenté le baron Philippe, un homme très raffiné, dans son âge mûr, celui de la sagesse, avec ses favoris. C’était un homme d’une grande élégance, très travailleur, et il avait ce regard d’homme très sûr de lui avec un côté malin. J’ai essayé de figer cela dans la représentation que j’ai faite de lui. J’ai fait plusieurs essais, travaillé sur plusieurs compositions possibles. Les bonnes idées sortent de mon carnet. »
« Le vin est le fruit de la vigne, c’est un thème intemporel, qui a été traité dans les civilisations les plus anciennes. Ce qui m’a plu dans cette aventure, c’est le lien entre la nature et le travail humain. J’ai visité le domaine avec le maître de chai Jean-Emmanuel Danjoy. Voir tous les détails du processus d’élaboration de chaque millésime m’a permis de comprendre le travail de la vigne, la création d’un grand vin. Œnologue est un métier technique mais nécessite aussi une sensibilité pour parvenir à exprimer le meilleur ; c’est composer un poème. C’est ce que j’aime dans le vin, son histoire, l’expression d’un savoir-faire et d’un univers. Un grand vin est comparable à une œuvre d’art. Il y faut une connaissance, une intuition. Beaucoup de travail aussi. J’apprécie le vin – même un peu trop ! – sans être un éminent connaisseur. Mon épouse Élisabeth a un palais plus subtil que le mien. »
Et de poursuivre : « Dans mon travail, je m’inspire de contes, de légendes. Et à travers les mythes, je m’intéresse au langage. La mythologie de l’Ancien Testament me passionne. Depuis des années, je m’intéresse au judaïsme. Je suis sensible à la symbolique du bélier, qui renvoie à l’épisode de la Genèse du "non-sacrifice" d’Isaac (Akedát Yitzhák en hébreu), lorsque Dieu demande à Abraham de lui offrir son fils. Ce qui m’intéresse n’est pas tant Dieu que la manière dont en parlent les hommes. Je travaille d’ailleurs actuellement à la réalisation de planches pour un livre qui va s’appeler Brisures, inspiré du Pentateuque, avec Pierre-Henry Salfati. »
En hommage au baron Philippe, marin accompli ayant notamment participé aux Jeux olympiques de 1928 dans l’équipe de France de voile et ayant remporté la Coupe de France de régates à voiles en 1937, une vente aux enchères en ligne (ouverte jusqu’au 11 décembre 2024) d’un lot exclusif est organisée en collaboration avec Christie’s, au profit des Sauveteurs en mer – SNSM de la station de Port-Médoc, basée au Verdon, à la lisière de l’Atlantique et de la Gironde. L’acquéreur et trois convives seront invités à la soirée de révélation de l’étiquette de Château Mouton Rothschild 2023, en fin d’année 2025 à la propriété, en présence de la famille et de l’artiste qui aura illustré l’étiquette de ce millésime.