Faute de budget adopté par le Parlement avant le vote de la motion de censure du gouvernement de Michel Barnier, l’Assemblée nationale doit examiner ce 16 décembre en séance publique le projet de loi spéciale visant à assurer le fonctionnement régulier des services publics au-delà du 31 décembre. En attendant qu’un nouveau gouvernement, en cours de composition par le nouveau premier ministre François Bayrou, dépose un projet de loi de finances pour l’année à venir, les décisions sont plus que jamais guidées par les contraintes budgétaires.
Victime collatérale de ce tour de vis général, le projet de musée-mémorial du terrorisme (MMT) est abandonné. Le budget prévu pour le mener à bien s’élevait à 95 millions d’euros. La nouvelle institution devait ouvrir en 2027 à Suresnes (Hauts-de-Seine), au Mont-Valérien, disposant d’un espace de 1 000 m2 d’exposition, aménagé au sein d’une ancienne école de plein air, bâtiment classé des années 1930, en attente de restauration.
« Cette décision a été prise unilatéralement, sans aucune consultation des responsables du projet, sans rien connaître de son avancement et sans avertir les associations de victimes du terrorisme, impliquées depuis plusieurs années dans la création de ce lieu de mémoire et d’histoire », s’est insurgée la Mission de préfiguration du musée dans un communiqué réagissant à l’annonce faite à Matignon le 6 décembre.
La Mission de préfiguration du musée-mémorial du terrorisme porte ce projet présidentiel depuis 2018. L’institution, voulue au plus haut sommet de l’État, devait être un lieu de mémoire et d’histoire pour les victimes du terrorisme, à la fois des attentats commis sur le sol français mais aussi à l’étranger. Le parcours du musée, commençant par l’attentat du drugstore Publicis en 1974, avait pour objectif de permettre de comprendre l’impact du terrorisme sur nos sociétés.
Si le projet de musée est enterré, la Mission, elle, est maintenue. Elle aura pour charge de concevoir des expositions temporaires accueillies dans des sites dépendant des ministères de la Culture, de la Justice, des Armées et de l’Intérieur.
Un mémorial sera installé dans le Jardin de la mémoire de la place Saint-Gervais, prévu par la mairie de Paris avec les associations de victimes Life for Paris et 13onze15 en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. Ce site verra le jour en 2025.
« Nous allons continuer à nous battre pour le projet de musée-mémorial du terrorisme », a déclaré dans un entretien au Figaro, le 9 décembre, Henry Rousso, président de la Mission de préfiguration du MMT. « Deux jours avant d’être censuré, le gouvernement a décidé l’arrêt du projet de musée pour des "raisons budgétaires", sans nous consulter, sans même s’informer du contenu et du travail accomplis depuis cinq ans, cingle l’historien. Il a proposé le maintien de la Mission de préfiguration pour faire un "musée hors les murs". Quant au mémorial national des victimes du terrorisme, il n’a pas la moindre idée de ce qu’il faut faire. Il a même proposé qu’il soit érigé à l’emplacement du futur Jardin de la mémoire en hommage aux victimes du 13 novembre, proposition absurde, qui confond la singularité d’un événement et un lieu de mémoire national couvrant un demi-siècle d’attentats. Cela montre la plus complète ignorance des enjeux et surtout le caractère arbitraire de cette décision. L’argument budgétaire cache en fait une décision politique. Le non-démarrage du chantier date en effet de la mi-mai, avant les élections européennes et la crise qui a suivi. De surcroît, la part principale du budget du projet est destinée à restaurer le monument historique dans lequel il est prévu d’installer le MMT, une dépense qui de toute manière incombe à l’État dans un avenir proche sous peine de dégradations. »
Le nouveau locataire de Matignon et Emmanuel Macron pourraient encore revenir sur cet abandon du musée-mémorial du terrorisme, veulent croire les acteurs de la Mission et les associations de victimes, après s’être concertés ce 14 décembre.