Los Angeles possède de nombreux legs culturels majeurs, souvent éclipsés par le tumulte assourdissant d’Hollywood. L’histoire de Corita Kent, également connue sous le nom de Sœur Mary Corita (1918-1986), en fait partie.
Enseignante et artiste, Corita Kent a utilisé l’art pour diffuser des messages de paix, d’espoir et de justice sociale dans les années 1960 et 1970. Le 8 mars, après des années passées dans un espace exigu, le Corita Art Center (CAC) inaugure son propre lieu dans l’Arts District. Il comprendra des bureaux et des réserves, ainsi qu’un espace dédié aux expositions, une première pour l’institution.
Nellie Scott, directrice exécutive du CAC, qualifie le travail de Kent de « révolutionnaire ». « Nous avons l’immense privilège d’être les gardiens de son Estate », explique-t-elle à The Art Newspaper. Le centre conserve des œuvres d’art, des archives et des documents relatifs à Corita Kent, soit plus de 30 000 numéros au total. « Elle était non seulement une artiste et une éducatrice, mais aussi une militante de la justice sociale et, pendant une partie de sa vie, elle a été connue sous le nom de Sœur Mary Corita », explique Nellie Scott.
À l’âge de 18 ans, Corita Kent entre dans l’ordre catholique romain du Cœur Immaculé de Marie et, pendant de nombreuses années, elle enseigne l’art à l’Immaculate Heart College de Los Angeles. Principalement autodidacte, elle est attirée par le graphisme audacieux du pop art, se concentrant sur les sérigraphies afin que ses œuvres soient abordables et plus largement diffusées. Au fil du temps, son engagement politique se renforça, créant des œuvres en soutien au mouvement anti-guerre, à l’égalité raciale et aux droits de la femme. Ces prises de position finirent par la placer en conflit avec l’archidiocèse catholique de Los Angeles, et en 1968, elle quitta l’ordre pour s’installer à Boston. De nombreuses sœurs suivirent son exemple et fondèrent la Communauté du Cœur Immaculé.
L’influence de Kent dépasse largement le cercle de ses élèves et de ses collectionneurs, touchant même des artistes qui ne l’ont jamais rencontrée. Parmi eux, Lauren Halsey, qui affirme que Kent est « au cœur de [ses] débuts en tant qu’artiste », et Alexandra Grant, pour qui elle « reste une source d’inspiration et une bouffée d’air frais ».
« Heroes & Sheroes » sera le titre de la première exposition au CAC, réunissant 29 tirages que Cortia Kent a réalisés après avoir déménagé à Boston. Dans cette série, explique Nellie Scott, l’artiste « inclut l’actualité et les médias et, d’une certaine manière, fait œuvre de journaliste ». Parmi les personnes représentées dans ces œuvres figurent Martin Luther King Jr, Coretta Scott King et Robert F. Kennedy.
En 2024, des œuvres de Corita Kent ont été exposées lors de la 60e Biennale de Venise dans la cafétéria de la prison pour femmes de la Giudecca, dans le cadre de l’exposition « With My Eyes », organisée par Chiara Parisi et Bruno Racine. Le pape François a fait l’éloge de l’artiste lors de sa visite du pavillon du Saint-Siège.
À Paris, elle a bénéficié l’an dernier de sa première exposition en France, sous le titre « Corita Kent, la révolution joyeuse » au Collège des Bernardins (du 9 octobre 2024 au 21 décembre 2024).