André Butzer : Frau am Tisch mit Früchten
Frau am Tisch mit Früchten, soit Femme à table avec fruits, ce titre est commun à quatre très grands tableaux qu’André Butzer a exécutés pour l’occasion et qu’il présente ensemble dans l’espace principal de la galerie. Les quatre tableaux offrent chacun sur un fond d’un rouge intense ce même visage de femme, presque une signature, fait d’un grand ovale rose et de deux ovales blancs marqués d’un trait bleu pour figurer les yeux, d’une demi-lune blanche pour la bouche et coiffé de cheveux ocre. Les fruits méditerranéens se trouvent sur un rond bleu ou un carré violet ou bien flottent librement dans l’espace. Il y a le sujet apparent, celui d’une peinture de Salon d’un autre temps, et deux autres sujets plus réels qui sont la puissance de la couleur pure et la relation que l’artiste entretient avec Matisse. Avec cet ensemble de toiles ou l’effet choral marque plus que les variations de l’une à l’autre, l’artiste évoque la façon dont son héros construit l’espace par la couleur. Butzer peint en mouvements amples et fluides, privilégiant la lumière et négligeant la profondeur. Tant par la large bordure blanche sur la toile que par la présence du visage, l’artiste pose une distance face aux effets d’absorption et de fascination. Les autres tableaux dans l’exposition apparaissent comme des étapes préparatoires ou comme une manière de prolonger l’échange : dans l’un, le noir est substitué au rouge, dans deux autres, la femme a disparu. Enfin, comme pour casser l’unité thématique, un tableau met en scène le même visage au regard oblique, qu’il confronte cette fois à une accumulation de rectangles et de ronds de couleur sur un fond rose vif. Cette accumulation, est-ce un répertoire de formes, l’équivalent d’une palette, ou d’un jeu de constructions ? La femme dans ce cas nous apparaît comme un double de l’artiste.
Du 1er mars au 5 avril 2025, Galerie Max Hetzler, 46 & 57, rue du Temple, 75004 Paris

Vue de l’exposition « Troy Makaza : Gutsa Ruzhinji » à la Galerie Poggi, Paris. Photo ©. kit
Troy Makaza : Gutsa Ruzhinji / Satisfy the masses
Du silicone, Troy Mazaka a fait un médium qui lui permet d’unir dans des reliefs éblouissants d’adresse et de méticulosité, peinture, sculpture et tissage. Colorant la pâte par infusion de pigments, il l’étire en longs fils qu’il tresse ou l’applique par couche, variant les manières à l’intérieur d’une même pièce. Tout en laissant une large place à l’improvisation et en revendiquant la part du rêve, Mazaka parle aussi pour le Zimbabwe. Les titres jouent un rôle essentiel, qu’ils soient déclencheur ou acte d’interprétation. Man begets, land does not beget est une sorte de chef-d’œuvre, parfait exemple de l’ambition et de la richesse du travail. On y voit en particulier deux planisphères comme emportées par des flots de silicone colorés, rouge, blanc, noir et gris. Au-dessus d’elles, on croit reconnaître dans un médaillon la figure d’un homme blanc triomphant. À droite des planisphères, on découvre un énorme bouquet de feuilles de tabac, et un peu plus à droite, un cercle monochrome. Le tabac est l’une des grandes ressources du Zimbabwe et aussi une cause de déforestation. On comprend que sous des dehors de composition décorative, c’est une forme de discours qui se met en place. Le titre de l’exposition est une citation de Cecil Rhodes, grand prédateur de l’Afrique.
Du 14 février au 12 avril 2025, Galerie Poggi, 135, rue Saint-Martin, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Hessie : Temps perdu. Partie 1 » à la Galerie Arnaud Lefebvre, Paris. © Photo : Galerie Arnaud Lefebvre
Hessie : Temps perdu. Partie I
Après une exposition personnelle à l’ARC/Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1975, la carrière de Hessie (1936-2015) s’est construite de manière secrète, presque clandestine, avant une redécouverte survenue peu avant sa mort. Son travail principalement sur des toiles de coton brut libres se partage en perforations, et, dans les broderies, les motifs dominants sont les bâtons, apprentissage de l’écriture, et le grillage à poules inspiré de son environnement immédiat dans la campagne normande. Pour elle-même, Hessie a inventé le terme de « Survival Art », une forme de survie que l’on peut entendre de plus d’une façon. Dans son travail, initié en 1968, se rejoignent des questions d’écriture, de féminisme et d’économie. On n’a pas manqué d’évoquer à son propos le minimalisme et une subversion du travail de broderie, mais les choses semblent plus directes et moins portées à l’éloquence. Hessie montre du travail et des gestes avant de penser au tableau ou à sa déconstruction.
La galerie Arnaud Lefebvre, à l’origine de la redécouverte de l’artiste et qui présente très régulièrement ses œuvres, a opté pour une exposition en deux parties, la première en solo et la deuxième en compagnie d’artistes d’aujourd’hui. « Temps perdu » offre une présentation d’une grande sobriété, voire d’austérité, avec une part de mystère aussi. L’une des pièces faites de deux tissus superposés fait lire en lettres perforées les mots « Oui » et « Non », l’un au-dessous de l’autre et bizarrement enchevêtrés. À côté d’elle, est accrochée la photo d’un dessin perforé avec les mêmes mots et ainsi légendée : « le droit de vote des femmes, mars 1975 ». C’est à cette époque que l’ONU a proclamé une « Année de la femme ».
Du 4 mars au 19 avril 2025, Galerie Arnaud Lefebvre, 10, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris

Vue de l’exposition « Rob Pruitt : Moon Cycles » chez Massimo De Carlo Pièce Unique, Paris. Courtesy MASSIMODECARLO
Rob Pruitt : Moon Cycles
Rob Pruitt a consacré quatre tableaux à la lune, correspondant à quatre moments distincts de son cycle. Elle est vue entre deux palmiers peints en silhouette, une bande de noir tracée d’un geste marquant la terre. Les sources sont des photographies prises avec l’iPhone et l’artiste s’est appliqué à retrouver les nuances exactes de la lune et du ciel. Cette série s’offre donc comme un témoignage de fascination très immédiat et une méditation sur le passage du temps. D’une manière légère, Rob Pruitt revoit la question de la série et celle de la peinture de paysage, magnifiant au passage l’esthétique iPhone. Sur le bord supérieur gauche de chaque toile, l’artiste a posé un prisme triangulaire en bois noir, parfaitement raccordé avec une feuille de palmier, comme si celle-ci débordait dans l’espace réel. À Paris, seuls trois des quatre tableaux seront exposés, d’abord deux par roulement (un tableau de chaque côté du mur principal), puis en conclusion les trois réunis dans la pièce en vitrine. En rejouant la question de la série ou du cycle, à la façon d’un peintre japonais pressé ou d’un conceptuel sentimental, Rob Pruitt nous offre à méditer sur un long intervalle de temps. Le coin de bois vient comme un sourire et un rappel de la réalité.
Du 4 mars au 15 mars 2025, Massimo De Carlo Pièce Unique, 57, rue de Turenne, 75003 Paris