Certains produits traversent le temps sans que l’on connaisse leur véritable histoire et les personnes qui se cachent derrière eux. C’est le cas des célèbres pastilles Valda créées autour de 1900 par Henri-Edmond Canonne (1867-1961) dans son oficine parisienne. Ce pharmacien et industriel doit en effet sa fortune à ce bonbon médicinal élaboré afin de lutter contre les maux de gorge (sources d’infections pulmonaires) causés par la tuberculose, une maladie qui faisait des ravages à la Belle Époque (fin du XIXe-début du XXe siècle) et emporta sa première femme à l’âge de 22 ans.
À contre-courant
Le succès fut immédiat pour Henri Canonne, qui ne se contenta pas d’être un industriel accompli, maître du marketing. Le pharmacien était également un amateur d’art éclairé. À ce titre, il constitua l’une des plus belles et importantes collections de tableaux – notamment impressionnistes – de son temps. « Des œuvres qu’il achète dès les années 1915 et 1920 auprès de la galerie Bernheim-Jeune [à Paris] à contre-courant de la critique de l’époque. Outre les signatures prestigieuses de [Pierre-Auguste] Renoir, [Alfred] Sisley, [Paul] Signac, [Henri-Edmond] Cross, [Pierre] Bonnard, [Édouard] Vuillard ou encore [Henri] Roussel, Henri Canonne a surtout réuni un impressionnant ensemble de Claude Monet incluant dix-sept Nymphéas, dont celui peint en 1917 et conservé au Metropolitan Museum of Art [Met], à New York », souligne Antoine Lebouteiller, directeur du département d’art impressionniste et moderne chez Christie’s France.
Certaines de ces pièces majeures ont déjà été vendues aux enchères, à l’image de L’Entrée de Giverny en hiver (1885) de Claude Monet – qu’Henri Canonne détenait depuis 1924 –, qui a été adjugée plus de 9,8 millions d’euros par Sotheby’s, en 2012, ou de Nymphéas, temps gris (1907), revendu à Londres, en 2022, par son nouveau propriétaire, pour plus de 35 millions d’euros.
« Par ailleurs, Henri Canonne n’hésitait pas à se séparer d’œuvres pour pouvoir en acheter d’autres. Il organisa ainsi deux grandes ventes de son vivant, la première en 1930 à Drouot, sous le marteau d’Alphonse Bellier, et la seconde en 1939 à la galerie Charpentier », poursuit Antoine Lebouteiller. Des toiles qui, pour la plupart, ont rejoint les collections des plus grands musées du monde, du Met au Museum of Fine Arts de Houston, en passant par le Kubosō Memorial Museum of Art, à Osaka, ou la Barnes Foundation, à Philadelphie. « Néanmoins, Henri Canonne est le passionné d’art impressionniste oublié par l’histoire de l’art des collectionneurs », note Antoine Lebouteiller. Un tort réparé grâce à cette vente de Christie’s, laquelle remettra l’inventeur de la pastille Valda sous le feu des projecteurs avec la mise à l’encan de trente-trois toiles – restées dans sa descendance – illustrant le « goût Canonne ».
Parmi cet ensemble évalué à 6,3 millions d’euros figurent deux portraits de Pierre-Auguste Renoir : Jeune Fille appuyée sur la main exécuté en 1894 (estimé de 2,2 à 3,2 millions d’euros) et La Leçon d’écriture, vers 1905 (estimé de 2 à 3 millions d’euros). Ces deux lots phares côtoient de nombreux paysages, autre fil conducteur de cette collection, dont Le Quartier de l’Hermitage, Pontoise, peint l’année de la première exposition des impressionnistes, en 1874, par Camille Pissarro (estimé de 800 000 à 1,2 million d’euros) ainsi que des tableaux signés Maurice Utrillo, Maurice de Vlaminck, Raoul Dufy et Paul Signac.
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«Ancienne collection Henri Canonne. Une leçon impressionniste», 9 avril 2025, Christie’s Paris, 9, avenue Matignon, 75008 Paris, christies.com