Ce n’est pas l’art, mais bien la fiscalité qui a monopolisé les discussions lors du vernissage VIP de la Foire Miart à Milan. Organisée dans l’immense centre de congrès Allianz MiCo, le Salon – qui célébrait sa 29ᵉ édition – a réuni jusqu’au 6 avril 2025 179 exposants venus de 31 pays.
Plusieurs de ces galeristes affichaient en évidence sur leurs stands une longue « Lettre des artistes au gouvernement », adressée à la Première ministre italienne Giorgia Meloni et signée par 600 artistes, parmi lesquels des figures comme Maurizio Cattelan. La lettre exprimait une « vive inquiétude » quant à la TVA de 22 % s’appliquant à la vente d’œuvres d’art dans le pays, évoquant une « situation alarmante » pour les artistes et affirmant que cette politique était en train de transformer l’Italie en « désert culturel ».
Le secteur espérait que le gouvernement reviendrait sur cette décision, mais en février dernier, celui-ci a choisi de maintenir le taux en vigueur. « C’est aberrant : il suffit de parcourir 300 kilomètres et de vendre une œuvre en France, où le taux est de seulement 5,5 %, déplore le directeur de la Foire, Nicola Ricciardi. Cela fait 16,5 % de différence ! C’est totalement anticoncurrentiel. »
En réalité, il est moins coûteux pour une galerie étrangère – qui représente environ 60 % des exposants à Miart – de vendre en Italie, puisqu’elle ne s’acquitte que d’une TVA de 10 %.
Les associations de galeries, tous segments confondus – de l’art ancien à la création contemporaine – militent sans succès depuis un an pour une réforme, mais Nicola Ricciardi veut encore y croire. « Pour la première fois, j’ai entendu le ministre italien de la Culture dire qu’il fallait agir. Mais cela prendra du temps », a-t-il déclaré lors de l’ouverture de la Foire.
Si le taux de TVA constitue un véritable frein pour le marché de l’art en Italie, le pays profite en parallèle de l’arrivée de grandes fortunes britanniques, quittant le Royaume-Uni en raison de récentes réformes fiscales. « Je connais beaucoup de personnes qui se sont installées ici », confie la galeriste Sadie Coles (Londres), de retour à Miart après plusieurs années d’absence, notamment à cause de la proximité de calendrier avec Art Basel Hong Kong. Ravie de revenir, elle soulignait que la foire proposait une lecture de l’art contemporain à travers le prisme de l’art italien d’après-guerre, et saluait un « public intelligent et cultivé ».

Peinture d’Edward Kay sur le stand de Roland Ross. Courtesy de l’artiste et Roland Ross
Parmi les nouveaux venus figuraient également Victoria Miro (Londres, Venise) et Meyer Riegger (Berlin, Karlsruhe et Bâle), dont la présence a contribué à rehausser la qualité de cette édition.
Miart reste une foire abordable pour les galeries, notamment dans la section Emergent, où un stand coûte environ 5 000 euros. La Foire prend également en charge les frais d’hôtel pour une première participation, un geste incitatif qui a séduit sept galeries britanniques, parmi lesquelles Brunette Coleman et Rose Easton. Nicola Ricciardi se félicitait d’ailleurs que trois des galeries présentes en 2024 aient été « promues » dans la section principale cette année.
La galerie Roland Ross, basée à Margate (Royaume-Uni), lauréate du prix de la meilleure galerie de la section l’an passé, était de retour avec une série de peintures représentant des quartiers de pommes signées Edward Kay — dont cinq ont été vendues à 3 000 livres sterling. Les galeries Arcadia Missa (Londres) et Misako & Rosen (Tokyo) ont vendu, sur leur stand partagé, l’intégralité des œuvres sombres de Reina Sugihara, à des prix allant de 5 000 à 15 000 euros. Enfin, la galerie Whatiftheworld (Le Cap) présentait de délicates œuvres en Plexiglas découpé de Lyndi Sales, proposées à 10 000 euros chacune.
Dans la section principale, où le prix d’un stand avoisine les 30 000 euros, l’offre artistique était large, avec une dominante très actuelle, mais également une forte présence d’Arte povera et d’art italien d’après-guerre. Des œuvres de Lucio Fontana et Giorgio De Chirico figuraient ainsi sur plusieurs stands. Une sculpture rouge présentant trois entailles de Lucio Fontana, présentée par la galerie Tornabuoni (Florence, Milan, Paris…), était affichée à 1,3 million d’euros. Si elle n’avait pas encore trouvé preneur lors de la première journée, la galerie a néanmoins vendu une œuvre d’Emilio Isgrò, Mare di Sicilia (2016) – une carte de la Sicile avec les noms de lieux biffés – pour 100 000 euros, et était en négociation pour une pièce de Giorgio De Chirico à 800 000 euros.
Dans l’ensemble, les ventes sont restées timides, ce qui n’a rien de surprenant au lendemain de l’annonce par Donald Trump de ses nouveaux droits de douane, baptisés « "Liberation Day" tariffs ». Plusieurs marchands présents sur la foire tentaient fébrilement de savoir si les œuvres d’art seraient exemptées, scrutant les listes de catégories de produits publiées sur le site du gouvernement américain. « Si l’art n’est pas exempté, cela pourrait signer la fin des foires », confiait, sombre, un galeriste. Heureusement pour Miart – et pour le marché international –, il semblerait que les œuvres d’art échappent aux nouvelles taxes, contrairement aux antiquités et objets de collection, qui pourraient, eux, être concernés.