Le paysage des réseaux sociaux a connu d’énormes bouleversements au cours de l’année écoulée. Avec l’exode de X pour des raisons éthiques, la crainte d’une interdiction permanente de TikTok aux États-Unis et la montée en puissance de nouvelles plateformes, il est difficile pour les institutions telles que les musées de savoir où concentrer leurs efforts en matière de réseaux sociaux pour en tirer le meilleur parti.
Pour la sixième année, The Art Newspaper a additionné le nombre de followers sur Instagram, Facebook, Twitter (désormais X) et TikTok des 100 musées les plus visités au monde dans le cadre de notre enquête annuelle sur leur fréquentation. Ces données révèlent les tendances dans le domaine en constante évolution des réseaux sociaux.

Méthodologie : Les données ont été collectées entre le 6 et le 9 mars auprès des 100 premiers musées les plus visités de notre classement annuel pour les quatre plateformes de réseaux sociaux les plus populaires en anglais : Facebook, Instagram, TikTok et X. Il convient de noter que l'omission des sites non anglophones – tels que Sina Weibo, WeChat, Douyin, Telegram et VK – biaise les résultats en faveur des musées occidentaux
Le tableau des 20 musées les plus suivis est resté pratiquement inchangé cette année, à l’exception du Solomon R. Guggenheim Museum de New York, qui ne figure plus parmi les 100 musées les plus visités. Ceux dont le nombre de followers a le plus augmenté sont le Metropolitan Museum of Art (Met) de New York (9,7 %), la National Gallery de Londres (9 %) et le Rijksmuseum d’Amsterdam (8,7 %). La croissance du Met est principalement due à TikTok, la plateforme ayant sponsorisé le Met Gala, rendez-vous annuel des célébrités et de la mode, en mai 2024. La National Gallery bénéficie, selon toute vraisemblance, de la campagne numérique déployée à l’occasion de son 200e anniversaire en 2024, notamment le développement d’un nouveau réseau de créateurs de contenu populaire. Au cours de l’année écoulée, le Rijksmuseum a gagné plus de 125 000 followers, venant s’ajouter à un nombre déjà impressionnant de personnes suivant le musée sur Instagram.
L’art de l’abandon discret
Si la plupart des 100 musées de notre classement ont gagné des followers sur les réseaux sociaux au cours de l’année écoulée, la quasi-totalité d’entre eux ont vu leur nombre diminuer sur X. En moyenne, les 20 musées les plus suivis ont perdu près de 2 % de leur nombre de followers sur cette plateforme. Cette perte est imputée à la suppression de comptes plutôt qu’à des utilisateurs ayant cessé de suivre certains musées. « Le changement de ton de X et la controverse autour de son propriétaire [Elon Musk] ont incité certaines entreprises à quitter la plateforme, et d’autres ont également retiré leur publicité », peut-on lire dans un récent article de la BBC.
Un seul musée de notre liste a supprimé ses comptes X : le Museum of Fine Arts de Houston, qui comptait 60 495 followers l’année dernière. D’autres semblent avoir opté pour un « abandon discret », à savoir qu’ils conservent leurs comptes mais cessent de publier de nouveaux posts, comme le Nasjonalmuseet d’Oslo, le Broad de Los Angeles et l’Art Institute of Chicago. Les musées parisiens, en particulier, semblent avoir déserté X : le Centre Pompidou, qui y compte plus d’un million de followers, n’a rien posté sur la plateforme depuis le 20 janvier. Le Musée d’Orsay (750 000 followers) a considérablement ralenti le rythme de ses messages. Les 14 musées gérés par Paris Musées, notamment le Petit Palais et le musée d’Art moderne de Paris, ont annoncé publiquement leur exode de la plateforme le 20 janvier « dans le respect de leurs valeurs ».
L’alternative Bluesky
De nouvelles plateformes de réseaux sociaux ont fait leur apparition ces dernières années, offrant des alternatives pour les utilisateurs quittant X, comme Threads (créé par Meta, la même société qui possède Facebook et Instagram) et l’application décentralisée Bluesky. Threads a été lancé en 2023 et les nouveaux comptes ont été créés en grande partie à partir des comptes Instagram des utilisateurs, ce qui signifie que les utilisateurs de Threads pouvaient conserver tous leurs followers d’Instagram. Ce qui explique que de nombreux musées ayant un nombre élevé de followers sur Instagram en ont également beaucoup sur Threads.
Cependant, un nombre important de musées semble également avoir cessé de publier des messages sur Threads. Il s’agit notamment du Met, des musées de la Tate au Royaume-Uni et du Museo Nacional del Prado à Madrid. Les musées ont été lents à adopter Bluesky, une application très similaire à la plateforme originale de Twitter, devenue totalement accessible au public en 2024. Seuls 19 des 100 musées les plus visités de notre classement possèdent un compte Bluesky, et seulement deux d’entre eux – le Prado et le musée du Louvre – y totalisent plus de 10 000 followers.
À l’heure de TikTok
Après une adoption d’abord lente de TikTok par les musées (seuls 21 des 100 musées les plus visités avaient un compte TikTok selon nos données de 2023), ce réseau devient de plus en plus populaire, avec 56 des 100 musées possédant désormais un compte. Les musées russes en particulier trouvent un public sur l’application d’origine chinoise, sans doute en partie parce que les plateformes américaines Facebook, Instagram et X sont interdites dans leur pays. Il est important de noter que si le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg figure dans le top 20 des musées les plus suivis, la plupart de ses comptes sont à ce jour inactifs. Le musée a toutefois accumulé un nombre impressionnant de 318 000 followers sur TikTok et près de 3 millions de likes sur ses posts. Parmi les autres musées russes qui font parler d’eux sur l’application, citons le musée Fabergé et le musée d’État russe, tous deux à Saint-Pétersbourg. En attendant, l’incroyable année du Met sur TikTok – gagnant près de 900 000 followers – aura été vaine si le gouvernement américain met à exécution sa menace d’interdire l’application, pour des raisons de sécurité nationale. Donald Trump a récemment repoussé au 19 juin la date limite pour la cession de TikTok, dans un bras de fer avec ByteDance et les autorités chinoises, alors que les relations entre Pékin et Washington se sont tendues après l’annonce de nouveaux droits de douane imposés réciproquement par les deux pays.