C’est tout un pan de l’histoire moderne du Brésil qui est mis en vente le 10 avril 2025 chez Sotheby’s, avec la collection Bittencourt. Issue de la haute société brésilienne, Niomar Moniz Sodré Bittencourt (1916-2003) grandit dans un milieu où l’art et la culture occupent une place essentielle. Fille d’un journaliste et homme politique connu pour ses positions progressistes, elle était certainement prédestinée à devenir l’une des figures de proue de l’avant-garde et de la lutte pour la liberté d’expression sous la dictature militaire qui sévit au Brésil entre 1964 et 1985.
Écrivaine à ses heures de pièces de théâtre, de poèmes et de nouvelles, elle embrasse la carrière de journaliste et fait ses armes au Correio da Manhã. « C’est là qu’elle rencontre son futur mari, Paulo Bittencourt, alors aux commandes du grand quotidien démocrate. Passionnés d’art et engagés tant politiquement que socialement pour la défense de la liberté d’expression, ils vont œuvrer pour que le Brésil, une terre presque vierge artistiquement parlant, ait son propre musée d’art moderne et devienne une capitale de l’art sur l’échiquier mondial. En ce sens, le qualificatif de “pionnière” qu’on lui attribue est amplement justifié », explique Stefano Moreni, vice-président de Sotheby’s France et directeur du département d’art contemporain.
Une intense action en faveur du brésil
Le museu de Arte moderna (MAM Rio) sera ainsi créé à Rio de Janeiro en 1948. « Cela fait suite à sa rencontre avec Peggy Guggenheim et à sa visite du Museum of Modern Art, à New York, où elle côtoie l’avant-garde artistique de l’époque grâce au lien noué avec la sculptrice Maria Martins », précise Stefano Moreni. Sous la supervision de Niomar Moniz Sodré Bittencourt, laquelle en sera directrice puis présidente, le MAM Rio devient un lieu de rassemblement culturel et s’impose en tant qu’espace de formation des jeunes artistes et d’expérimentation des nouvelles formes d’ex- pression visuelle.
En parallèle de son action au Brésil, elle se rend fréquemment aux États-Unis et en Europe où elle rencontre Pierre Soulages, Jean Arp, Alberto Giacometti, Giorgio Morandi, Constantin Brancusi, Nicolas de Staël, Jean Dubuffet, Maria Helena Vieira da Silva ou encore Marcel Duchamp. « Ces voyages lui permettent d’enrichir tant le fonds du MAM Rio – dont certaines œuvres seront détruites dans un incendie en 1978– que sa collection personnelle », poursuit Stefano Moreni. Cette collection fait la part belle aux grands courants artistiques du milieu du XXe siècle comme le cubisme, le surréalisme, l’art conceptuel, l’art brut, l’École de Paris ou le tachisme. Les œuvres se partageaient les cimaises de l’appartement brésilien du couple Bittencourt (qui sera aussi le théâtre d’un incendie ravageur en 1985) ainsi que de leur résidence à Paris. C’est le contenu de cette dernière, riche de soixante-dix-neuf œuvres inédites sur le marché de l’art, qui est proposé chez Sotheby’s, « à l’heure où une biographie de Niomar Moniz Sodré Bittencourt sort au Brésil », note Stefano Moreni, et selon le choix de ses petits-enfants. L’ensemble est évalué entre 7 et 10 millions d’euros. Outre quelques noms brésiliens comme Frans Krajcberg, Almir da Silva Mavignier, Maria Martins et Arthur-Luiz Piza figurent ceux de Karel Appel, Arman, Alexander Calder, César, Jean Dubuffet, Max Ernst, Tetsumi Kudo, Pablo Picasso (avec Femme nue à la guitare, de 1909, estimée de 1,2 à 1,8 million d’euros), Serge Poliakoff, Pierre Soulages, Nicolas de Staël, Kumi Sugaï ou encore Alberto Giacometti (avec Femme debout, un imposant bronze exécuté vers 1952 et attendu entre 2,5 et 4 millions d’euros).
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«Collection Niomar Moniz Sodré Bittencourt. La liberté pour dogme», 10 avril 2025, Sotheby’s Paris, 83, rue du Faubourg-Saint- Honoré, 75008 Paris, sothebys.com