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Frank Bowling : « Exposer ici aujourd’hui signifie tout »

À l’occasion de son exposition « Collage » chez Hauser & Wirth, à Paris, l’artiste britannique de 91 ans livre un état des lieux de ses pensées et de sa pratique.

Propos recueillis par Anna Sansom
10 avril 2025
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Vue de l’exposition « Frank Bowling. Collage », chez Hauser & Wirth Paris, 2025. © Frank Bowling. All Rights Reserved, DACS 2025. Courtesy the artist and Hauser & Wirth. Photo : Nicolas Brasseur

Vue de l’exposition « Frank Bowling. Collage », chez Hauser & Wirth Paris, 2025. © Frank Bowling. All Rights Reserved, DACS 2025. Courtesy the artist and Hauser & Wirth. Photo : Nicolas Brasseur

Que représente pour vous le fait de bénéficier enfin d’une exposition personnelle à Paris, plusieurs décennies après votre premier séjour dans la Ville lumière ?

Je suis venu pour la première fois à Paris en 1956 dans le but d’étudier la littérature à la Cité Universitaire. Même si j’y suis resté un certain temps, cela n’a pas abouti. Quelques années plus tard, alors que j’étais étudiant au Royal College of Art à Londres, Paris était vu comme le centre du monde de l’art. Exposer ici aujourd’hui signifie tout. Cela veut dire que j’ai réussi dans ma vie.

Votre tableau Back to Snail (2000) est inspiré par L’Escargot (1953) de Matisse. Pourquoi trouvez-vous cette œuvre du peintre français particulièrement inspirante et comment a-t-elle influencé votre approche du collage et de la peinture ?

Lorsqu’en 1999 j’ai déclaré que L’Escargot était l’œuvre qui avait le plus façonné ma vision d’artiste, je n’étais pas vraiment sûr de moi. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus attaché à cette idée qu’à l’époque, elle est désormais profondément ancrée dans mon esprit.

Votre œuvre Skid (2023) semble incorporer des éléments abstraits et figuratifs. Que pouvez-vous nous dire sur sa conception et son exécution à travers différentes toiles ?

C’est intéressant que vous y voyiez des éléments figuratifs ; on en retrouve souvent dans mes tableaux. Mon objectif était d’obtenir la bonne couleur, comme pour les deux panneaux près du centre avec le point rouge – il y a la pêche et le jaune, et je voulais que ces couleurs traversent la zone bleue et se fondent.

Lorsque vous réalisez un tableau composé de plusieurs panneaux, imaginez-vous dès le départ à quoi ressemblera l’œuvre finale ? Avez-vous l’impression de vous déplacer dans un paysage ou laissez-vous libre cours à votre expression intuitive ?

Mon travail est de la pure expérimentation. Tout est improvisé. Je recherche quelque chose de nouveau dans la peinture, quelque chose d’inédit, et l’œuvre émerge progressivement de la peinture, au fur et à mesure. Mais l’idée de paysage et l’équilibre entre une réflexion géométrique et une perception plus poétique du lieu sont également très importants.

Pouvez-vous nous parler de vos influences, comme celle des paysagistes anglais tels que Turner, Constable et Gainsborough, de la peinture figurative de Francis Bacon et des artistes abstraits américains tels que Newman, Rothko et Pollock ?

Les peintres paysagistes anglais que j’ai vus à la National Gallery [à Londres] ont été mes premières influences et inspirations. Et je continue à m’intéresser à Turner. Il y a eu un transfert, un saut, par rapport à ce que j’ai vu chez Rembrandt et, dans une large mesure, chez Poussin, et j’ai essayé de transmettre le sentiment que la peinture fait tout le travail, pour créer ces images. Ainsi, il s’agissait de passer de ces précédents historiques à l’École de Norwich, des peintres anglais dont personne ne parle vraiment.

Vous vous êtes installé à New York en 1966. Quels sont vos souvenirs les plus marquants de votre séjour ?

À New York, j’ai découvert qu’il était légitime d’expérimenter librement à la recherche d’un effet, sans savoir exactement quel serait cet effet avant qu’il ne se produise. New York m’a également offert une plus grande perception de l’espace physique et créatif. Dans mon loft, à SoHo, j’avais un espace industriel complet, bien plus grand que tout ce que j’avais alors à Londres. Cet environnement a permis à mon travail d’évoluer d’une manière nouvelle.

Sir Frank Bowling dans son atelier londonien en 2017. © Alastair Levy

Quand avez-vous commencé à verser la peinture, dans les années 1970 ?

J’ai construit trois plateformes avec un bac en bas, puis j’ai fixé environ deux mètres de toile de coton brut et humide sur la planche. Ensuite, j’ai versé la peinture dessus et je l’ai laissée couler. C’était comme la méthode que les athlètes utilisent pour le saut en hauteur : on pouvait lever et abaisser les piquets, de sorte que j’avais 6 ou 7 pots de peinture mélangée (couleurs primaires et secondaires) déjà prêts et que je faisais ce mouvement avec la toile. C’était très libérateur, car je laissais la peinture faire ce qu’elle voulait, avec une liberté totale. Aujourd’hui, je continue toujours à verser, à faire couler, à renverser, à balancer la peinture… L’aspect collage remonte, lui, à très loin, certainement au début des années 1960, voire aux années 1950, et mon travail est aujourd’hui une sorte de mélange de tous ces styles et techniques différents. Je pense que mon approche de la peinture est peut-être influencée par les conditions météorologiques au Guyana, où le ciel peut s’ouvrir brusquement et la pluie tomber à verse. On levait les yeux trois ou cinq minutes avant, sans aucun signe, et soudain, l’averse se déchaînait.

D’où vient cet intérêt d’intégrer des éléments de votre quotidien dans vos œuvres ?

Cela me vient naturellement ; c’est presque comme si ces objets entraient dans l’œuvre à mon insu. C’est important pour moi d’y intégrer des objets de ma famille : des morceaux debling-bling, des bijoux fantaisie, des coquillages, des jouets, des fleurs, des tissus… Ce sont comme des spectres de mon imagination qui apparaissent sans que je le veuille. Cela fonctionne peut-être comme une sorte de journal intime de ce qui se passe dans l’atelier pendant la phase de création de l’œuvre.

Diriez-vous que vous êtes un coloriste attaché avant tout à la peinture pure ?

Je me décris souvent comme un coloriste, j’ai une profonde foi en la couleur. Je crois fermement que la couleur émet sa propre lumière, alors je suis toujours à la recherche de quelque chose qui attire le regard.

Les épaisses bandes de couleur de Water (2024) évoquent la perception changeante de la lumière sur les ondulations. Avez-vous réfléchi à une rivière ou à une mer en particulier ? Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez cherché à représenter l’eau et les effets de la lumière dans votre œuvre ?

J’ai toujours vécu au bord de l’eau, depuis ma naissance et mon enfance. Ensuite, j’ai habité près de la Tamise, à Londres, et de l’East River, à New York. Récemment, je réfléchis aux fleuves guyanais : l’Essequibo, le Demerara et le Berbice. J’ai croisé tous ces fleuves lors de mes jobs quand j’étais adolescent. J’étais un marchand ambulant, je vendais le matériel d’artisanat de ma mère [couturière et propriétaire de Bowling’s Variety Store] le long de la côte est du Guyana. Dans ce tableau, j’ai cherché à réunir ces trois cours d’eau.

Vue de l’exposition « Frank Bowling. Collage », chez Hauser & Wirth Paris, 2025. © Frank Bowling. All Rights Reserved, DACS 2025. Courtesy the artist and Hauser & Wirth. Photo : Nicolas Brasseur

Comment pensez-vous que vos souvenirs de jeunesse au Guyana, avant votre émigration vers Londres à l’âge de 19 ans et vos voyages ultérieurs là-bas, ont imprégné votre peinture et la palette de couleurs que vous employez ?

Pendant des années, j’ai refusé d’associer ma peinture au Guyana. Je me concentrais sur la création de tableaux qui rivaliseraient avec les plus belles œuvres de la National Gallery ou du Louvre, s’inscrivant dans une tradition occidentale bien établie plutôt que sur ce qui pourrait être perçu comme des tableaux sur les Caraïbes. Cependant, avec le temps, je me suis rendu compte, inconsciemment, que des éléments de l’hémisphère Ouest – sa lumière, ses couleurs – avaient toujours été présents dans mon travail. Je ne les avais tout simplement pas reconnus car ma formation artistique s’inscrivait dans la tradition occidentale.

Le sentiment grandissait que je passais peut-être à côté de quelque chose. Puis, lors de mon dernier voyage au Guyana, en 1989, j’ai eu une soudaine révélation. Un matin, une brume de chaleur blanchissait tout, laissant très peu de couleur. Au lieu d’essayer de le comprendre mentalement, je me suis tourné vers mon plus jeune fils, Sacha, qui voyageait avec moi. Je lui ai demandé de regarder par-dessus la digue et de me dire si ce qu’il voyait au-dessus de l’estuaire avait un lien avec ma peinture. Sacha l’a confirmé : il a souligné que mon travail avait une qualité distinctive, quelque chose que je ne peux décrire que comme une brume de chaleur, où tout paraît plat et sans profondeur.

J’ai donc dû l’accepter : je suis et j’ai toujours été un artiste travaillant dans la tradition occidentale, et pourtant, les premières choses que j’ai vues en ouvrant les yeux, enfant, au Guyana – la lumière, l’atmosphère – sont présentes dans mon travail. Elles nourrissent ma peinture et les couleurs que j’utilise de manière instinctive.

Quelles œuvres allez-vous réaliser pour l’exposition d’été de la Royal Academy of Arts à Londres et pour la prochaine Biennale de São Paulo ?

L’exposition d’été de la Royal Academy a pour thème le dialogue et j’ai toujours essayé de créer une œuvre qui réponde au thème fixé par le commissaire. L’œuvre s’intitule Red, Yellow and Blue ; quand vous la verrez, vous comprendrez qu’il s’agit d’un dialogue entre les couleurs primaires. La thématique de la Biennale de São Paulo est axée sur les estuaires et, évidemment, sur le Brésil. São Paulo est une ville que j’ai toujours rêvé de visiter. Quant à l’œuvre, je recherche cette sensation du ciel qui s’ouvre, baigné d’eau, béni. Une fois terminée, je pourrai probablement vous en dire plus sur son élaboration, son processus, la façon dont j’ai travaillé pour obtenir un effet particulier.

Où aimeriez-vous le plus exposer votre travail et pourquoi ?

Je sais que mon travail est assez connu aux États-Unis et en Angleterre. Il y a plusieurs endroits en Europe où j’aimerais exposer : en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique. Peut-être aussi à Berlin – je n’y ai jamais exposé, mais j’aimerais beaucoup. J’ai également toujours rêvé que mon travail voyage en Amérique du Sud, mon continent natal. Avec São Paulo à l’horizon, ce sera formidable ! Et bien sûr, maintenant que je suis à Paris, j’aimerais exposer dans l’un de ses nombreux grands musées. Qui ne le voudrait pas ?

Qu’est-ce qui vous motive à peindre aujourd’hui ?

Chaque jour, dans l’atelier, je recherche une nouveauté dans la ligne, une nouveauté dans la forme. Cette quête est au cœur de ma vie. Je continue d’expérimenter. Je ne vois rien d’autre que de me mettre à peindre. La peinture est ma raison de vivre.

« Frank Bowling. Collage », du 22 mars au 24 mai 2025, Hauser & Wirth, 26 bis rue François 1er, 75008 Paris

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