On parle souvent de lui comme d’un artiste maudit. Vincent Van Gogh n’a vendu qu’une toile de son vivant. Atteint de syphilis et de troubles psychiatriques, il se suicide à 37 ans, sans un sou à son nom. Il n’a pas connu de succès de son vivant. Ce n’est qu’après-coup que sa vie et sa peinture, toutes deux turbulentes, ont fait l’objet d’une fascination collective qui a donné lieu à de nombreux documentaires, expositions et longs-métrages. Or les nouvelles techniques d’exposition accordent à ce mythe une tout autre ampleur. En témoignent les nombreux événements qui ont été consacrés à l’artiste cette année, tous destinés à recréer, d’une façon ou d’une autre, la vision ou l’environnement de l’artiste.
La plus récente, « Imagine Van Gogh » (23 juin-10 septembre), était une exposition immersive à la Grande Halle de la Villette, à Paris, où les toiles les plus célèbres de l’artiste, agrandies et reproduites sur des écrans grand format, semblaient s’incarner dans le réel. Il s’agissait, pourtant, d’une exposition sans œuvre, un facteur qui a su déchaîner les passions de certains critiques et utilisateurs de réseaux sociaux. En proposant aux spectateurs de déambuler à travers 4000 m2 d’écrans (de 50 à 100m2 chacun) au son de la musique de Saint-Saëns, Mozart, Bach, Delibes ou Satie, l’exposition proposait d’abolir la distance entre la peinture et le regardeur pour créer l’ « image totale » dont parlait le cinéaste et chercheur Albert de Plécy.
Cet événement, imaginé par Annabelle Mauger et Julien Baron (des anciens collaborateurs de la Cathédrale d’images, un projet conçu dans le legs du travail sur l’image d’Albert de Plécy) n’est pas le seul à se pencher sur l’œuvre du peintre néerlandais par le biais de la technologie. Le 14 août, cinq versions des Tournesols de Van Gogh étaient exposées en live stream sur Facebook. Première exposition virtuelle à ce jour, le stream montrait les différentes versions du tableau dans les musées qui les hébergent. Les internautes commençaient donc par regarder la version conservée à la National Gallery de Londres et passaient ensuite à celle du Van Gogh Museum d’Amsterdam, de la Neue Pinakothek à Munich, du Philadelphia Museum of Art pour finir sur celle du Seiji Togo Memorial Sompo Japan Nipponkoa de Tokyo. Chaque voyage virtuel durait 15 minutes et était ponctué du commentaire d’un commissaire d’exposition, qui expliquait les nuances et les spécificités de chaque version.
Outre ce développement du numérique, bien d’autres approches novatrices ont montré l’artiste et son œuvre sous un angle inattendu. En avril, le Van Gogh Museum et les sites Van Gogh du Brabant se sont associés pour installer un service de navettes permettant de visiter le musée à Amsterdam et le village de Nuenen, où l’artiste avait habité et produit un quart de son œuvre, en une même journée. Le parcours permet d’apprécier les paysages qui ont été peints par l’artiste ainsi que des sites de la région qui ont pu influencer son œuvre. En mai, une troisième reproduction à l’identique de la Chambre de Van Gogh à Arles était reconstruite au détail près (erreurs de perspective incluses !) à Boxmeer, en Hollande. Si une version de la chambre existaient déjà au musée d’Orsay à Paris et à l’Art Institute de Chicago, celle-ci présentait la particularité d’être une chambre d’hôtel qui pouvait être réservée au prix de 70€ la nuit.
Tandis que certains s’amusent à reconstruire des tableaux du peintre en taille réelle, d’autres cherchent, au contraire, à préserver ce qui les a inspirés. À Auvers-sur-Oise, un appel aux dons a été lancé pour réparer une église qui avait été dépeinte par l’artiste en 1880. L'Institut Van Gogh a saisi cette occasion pour soutenir également la restauration de la tombe de l'artiste et celle de son frère, Théo, toutes les deux gravement endommagées par les tempêtes qui ont frappé la ville. (Pour faire une donation, il suffit d’aller sur helpvangogh.heoh.net).
À cette foule de projets s'ajoute un long-métrage sur l'artiste. Entièrement peint à main, La Passion Van Gogh, de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (sortie en salles le 11 octobre) revient sur les derniers jours du peintre. Les 62 450 plans du film ont été créés par 90 artistes.
Nourrie par un culte à la personnalité symptomatique de notre siècle, cette saison Van Gogh reflète non seulement la portée des nouvelles technologies sur les techniques d’exposition, mais aussi le besoin grandissant de montrer ce que les œuvres ont de vivant, voire, d’enveloppant, en faisant appel à tous les sens. Bienvenue à l’ère des expositions 360 degrés.