« Il m’est difficile de me souvenir de quelque chose d’échelle comparable. Cette exposition présentera un panorama tout à fait unique de l’art contemporain européen, pas seulement l’Europe au sens de l’Union européenne, mais de l’Europe dans une conception beaucoup plus large du mot », a déclaré vendredi à Moscou Zelfira Tregulova, directrice de la galerie d’État Tretiakov lors de la conférence de presse de présentation de l’exposition « Diversity United. Contemporary European Art. Moscow. Berlin. Paris », comme nous l’a rapporté notre correspondante en Russie Sophia Kishkovsky.
Organisée par la galerie Tretiakov et la Fondation pour l’art et la culture, de Bonn, en Allemagne, la manifestation réunira environ 200 œuvres de 81 artistes actifs aujourd’hui en Europe et représentant différentes régions et générations, le tout en respectant une parité hommes-femmes. La liste dévoilée vendredi comprend plusieurs artistes de la scène française comme Christian Boltanski, Ulla von Brandenburg, Annette Messager, Sheila Hicks, Lucy Orta, Anri Sala, Tatiana Trouvé et Yan Pei-Ming. Camille Morineau (présidente d’AWARE), qui fait partie de l’équipe de dix commissaires européens, a notamment invité Grayson Perry, Paula Rego, Sheila Hicks, Lucy Orta et Anselm Kiefer, « qui a accepté de participer parce que ce projet sur l’Europe l’intéresse, alors qu’il refuse généralement les expositions collectives », nous a-t-elle déclaré. Des artistes aussi différents qu’Eija-Liisa Ahtila, Maurizio Cattelan, Olafur Eliasson, Adrian Ghenie, Gilbert & George, Petrit Halilaj, Ilya et Emilia Kabakov, Boris Mikhailov, Agnieszka Polska, Gerhard Richter, Ugo Rondinone, Slavs and Tatars, Wolfgang Tillmans, Luc Tuymans ou Rachel Whiteread sont aujourd’hui déjà personnellement investis dans le projet, « même si le choix des œuvres et la structure de l’exposition sont encore en cours », selon Camille Morineau. La prochaine réunion de l’équipe curatoriale emmenée par Walter Smerling (président de la Fondation pour l’art et la culture, Bonn) et réunissant également Zelfira Tregulova, Simon Baker (directeur de la Maison européenne de la photographie, Paris) ou Peter Weibel (président du ZKM Karlsruhe), se tiendra à Berlin en janvier 2020.
« Ce projet inédit est un peu une folie, mais il est d’actualité aujourd’hui de parler de l’Europe », affirme Camille Morineau. Selon les organisateurs, l’exposition abordera « les questions de la liberté, de la dignité, de la démocratie et du respect tout en mettant en exergue la production artistique du continent en abordant des thèmes pertinents tels que l’identité politique et personnelle, les migrations, le paysage (mental), le genre et l’égalité, la nationalité, le territoire et les conflits sociaux et géopolitiques ». « L’Europe est composée de nombreux paysages incroyables, non seulement géographiquement, mais aussi socialement, politiquement et culturellement. Les artistes peuvent unir et former ces mondes », a déclaré Walter Smerling.
La première présentation de la manifestation aura lieu du 11 novembre 2020 au 21 février 2021 à la galerie d’État Tretiakov à Moscou. Les dates et les lieux d’accueil des étapes de Berlin et Paris restent encore à déterminer.
L’idée de cette exposition trouve son origine dans le Petersburger Dialog, un forum germano-russe fondé par le président russe Vladimir Poutine et l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder. Selon les organisateurs, « Diversity United. Contemporary European Art » a d’ores et déjà reçu le patronage de Vladimir Poutine, du président allemand Frank-Walter Steinmeier et du président français Emmanuel Macron. L’exposition n’est donc pas dénuée d’une certaine ambition politique, notamment de la part de la Russie dans le cadre de sa diplomatie culturelle. Mikhail Shvydkoy, représentant du président de la Fédération de Russie pour la coopération culturelle internationale – et membre du Comité consultatif du projet –, a ainsi déclaré vendredi que l’exposition était particulièrement importante car elle coïncidera avec le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’origine de l’histoire européenne moderne. Une histoire qui a cependant connu de profonds bouleversements depuis la chute du rideau de fer, la fin du communisme et la réunification allemande. Ce projet prend en tout cas une dimension chère au général de Gaulle qui avait déclaré en 1959 : « Oui, c’est l’Europe, depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural ! ».