Créée à Paris en 1999 par Clémence et Didier Krzentowski, la galerie kreo s’est imposée comme un acteur majeur du design contemporain. Rapidement lassés par les seules activités de second marché, fondées sur l’achat et la revente de pièces historiques, ses fondateurs décident, dès le début des années 2000, de se rapprocher du modèle de la galerie d’art contemporain. Pour chaque exposition, ils invitent des designers à élaborer des objets et du mobilier, qu’ils se chargent de produire en très petite quantité : généralement huit exemplaires dans le commerce et quatre prototypes et épreuves d’artistes. Ces conditions les libèrent des contraintes imposées d’ordinaire par les éditeurs industriels, de plus en plus soumis aux diktats du marketing : « Il faut savoir en permanence résister aux modes, explique Clémence Krzentowski, aux tendances, à la mise en avant superficielle des choses – tous ces paramètres avec lesquels nous devons composer sans jamais dévier de notre ligne. »
La richesse de l’ouvrage, placé sous la direction de Clément Dirié, historien, critique d’art et collaborateur régulier de la galerie, doit beaucoup à son imposant chapitre « Almanach », qui recense, documents et photographies d’archives à l’appui, la totalité des quelque cent vingt-deux expositions organisées par kreo à Paris et, depuis 2014, à Londres également. Défilent sous nos yeux deux décennies d’innovation et d’audace qui résument tout un pan du design actuel. Une galaxie de créateurs que kreo soutient au long cours apparaît alors, parmi lesquels François Bauchet, Ronan & Erwan Bouroullec, Pierre Charpin, Konstantin Grcic, Marc Newson, ou encore Muller Van Severen. Cet almanach est accompagné d’un entretien avec les Krzentowski, intéressant témoignage sur la genèse, le lancement et le développement de la galerie, dont on retient, si on en doutait, que l’argent reste bel et bien le nerf de la guerre. Suivent huit courts essais rédigés par des conservateurs, critiques, artistes, collectionneurs ou philosophes, qualifiés de « complices » de kreo, et le témoignage inédit d’une vingtaine de designers ayant exposé dans ses murs. À peine regrette-t-on, dans cet opus très complet, l’absence d’un regard rigoureusement extérieur, qui aurait favorisé un éclairage plus distancié sur le rôle de la galerie à l’échelle internationale.