Comment vivez-vous personnellement ce confinement ?
Je vis ce confinement chez moi, à Montpellier, en contact quasi quotidien avec les agents du musée : l’essentiel pour nous est de ne pas perdre le contact avec le public après cette interruption brutale. C’est la raison pour laquelle nous avons imaginé des dispositifs, à la fois ludiques et pédagogiques, sur les réseaux sociaux et le site du musée (« visites des collections par les conservateurs », « L’œuvre à la loupe », « Dans l’œil du visiteur », « La Fabrique-Tutos » pour parler d’art à la maison », « Tableaux vivants » etc.). L’événement majeur est la visite virtuelle de l’exposition « Jean Ranc, un Montpelliérain à la cour des rois », disponible depuis le 23 avril, grâce au travail d’Arnault Labaronne et la société montpelliéraine IDEAL FILM PROD. Cette exposition, inédite, a demandé un gros investissement de la part du musée (catalogue, muséographie, médiation culturelle), il était dommage d’en rester là après seulement six semaines d’ouverture au public. Prochainement, on pourra même télécharger les audioguides et faire la visite en compagnie de Madame Ranc ! Ce confinement est aussi l’occasion d’entretenir des liens d’amitié et de soutien avec tous nos partenaires, artistes, conservateurs, restaurateurs, galeristes, etc. Je passe personnellement beaucoup de temps au téléphone pour échanger, partager, parfois répondre à des angoisses bien justifiées.
Sur quels projets travaillez-vous pendant cette période ?
Je souhaite naturellement soutenir les institutions touchées elles aussi par la crise sanitaire, en acceptant l’extension de la durée des prêts du musée Fabre : c’est le cas à Rome, à Turin, à Amsterdam, à Saint-Louis, etc. Le musée Fabre et la régie des œuvres travaillent actuellement, dès que l’ouverture des frontières le permettra, à la restitution des œuvres présentes dans nos murs, je pense évidemment à la Chapelle Deydé (« De marbre blanc et de couleur »), à l’exposition Jean Ranc et à l’hommage à Pierre Soulages en partenariat avec le musée de Rodez... Pour la première fois depuis sa réouverture, en 2007, le musée a dû renoncer à présenter son exposition estivale le 14 juin prochain : « Le Canada et l’impressionnisme. Nouveaux horizons ». Nous échangeons avec nos partenaires de Lausanne et d’Ottawa afin d’envisager un report du projet à la rentrée de septembre.
Le confinement est aussi l’occasion pour mes équipes et moi-même de se recentrer sur des projets de fond qui sont au cœur de notre métier de conservateur comme la sortie imminente du catalogue des Italiens du musée grâce aux recherches de Benjamin Couilleaux, actuel directeur du musée Bonnat-Helleu de Bayonne, la publication du catalogue de la collection Alfred Bruyas pour fêter le bicentenaire de la naissance du mécène en 2021 ou encore la mise en valeur de nos acquisitions et dons, prévue l’an prochain au printemps. Pendant ces temps difficiles, il me semble de la première importance d’envoyer des signes en direction des pouvoirs publics et de tous nos mécènes pour les remercier de leur soutien infaillible dans l’enrichissement du patrimoine du musée. Le musée Fabre s’est profondément transformé depuis ces vingt dernières années et ce dans tous les domaines – art ancien, art moderne et contemporain, arts décoratifs – et il faut qu’un large public puisse en prendre conscience. Une exposition, accompagnée d’une médiation adaptée, peut aider celui-ci à s’approprier à nouveau son musée et ses collections.
Qu’est-ce que cette période augure pour la suite selon vous ?
Ce confinement permet de marquer une pause, de reconsidérer l’offre culturelle en cours, de se montrer plus inventif, de créer de nouvelles solidarités, d’envisager de nouveaux dispositifs d’accrochages, de planifier des travaux d’embellissement des salles (peinture, éclairage LED, comme c’est le cas actuellement dans la galerie des colonnes, etc.). Mais au-delà de cette crise sans précédent, il est évidemment vital de se projeter vers le futur et les grands projets estivaux des années à venir, « United states of Abstraction : les artistes américains en France, 1946-1964 », en partenariat avec le musée d’Arts de Nantes, en 2021, et la rétrospective « Germaine Richier » en partenariat avec le Centre Pompidou, en 2022...