En choisissant « Representing the Work » comme titre de son exposition au MAC’s du Grand-Hornu, situé en Belgique à 25 kilomètres de Valenciennes, Matt Mullican ne pouvait être plus explicite. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la mise en perspective d’une œuvre complexe par son auteur lui-même. L’artiste assure en effet le commissariat et l’accrochage de cette manifestation ambitieuse, qui ne compte pas moins de 1 500 pièces !
Son intitulé est tiré d’une gigantesque installation éponyme conçue en 2018 et constituée de 64 draps de lit peints et suspendus dans l’espace, qui forment deux longs couloirs parallèles. Numérotés comme les pages d’un livre, ils se succèdent côte à côte. Le visiteur est incité à les parcourir comme une lecture-promenade d’une œuvre obsessionnelle et personnelle.
L’ARTISTE ASSURE LE COMMISSARIAT ET L’ACCROCHAGE DE CETTE MANIFESTATION AMBITIEUSE, QUI NE COMPTE PAS MOINS DE 1500 PIÈCES !
Elle reste cependant accessible à tous grâce à un vocabulaire formel et visuel usant de sigles, de codes, d’images, de symboles et de pictogrammes, alternativement traités en noir et blanc ou en couleurs. La carrière de l’artiste se déroule ainsi en un vaste travelling allant de ses années d’études à ses récentes installations, en passant par ses collections de vues urbaines, ses notes de travail, ses célèbres diagrammes cosmologiques, et même ses rares performances sous hypnose. Cet impressionnant corpus fait par ailleurs l’objet exclusif de la publication éditée à l’occasion.
S’appuyant sur la ligne narrative qu’instaure l’architecture du musée, Mullican articule son propos en trois actes, à commencer par ce que l’on pourrait qualifier d’œuvre manifeste, 88 Maps. Quoique datée de 2010, cette série de planches conçue comme un livre d’artiste constitue en quelque sorte un répertoire du vocabulaire qu’il a élaboré depuis ses débuts dans les années 1970. On y retrouve l’usage exclusif de cinq couleurs et la mise en place de sa cosmogonie en cinq étapes également. Le tout est traité avec sa technique si particulière du frottage avec des crayons de graphite. Difficile de ne pas voir en lui et dans sa démarche analytique un héritier de l’art conceptuel qu’il élargit certes, même s’il s’en défend, préférant se revendiquer d’une autre école, celle de la « Pictures Generation » américaine.
Le deuxième acte, d’une rare densité proche de la saturation optique, se présente comme une constellation épique regroupant trois ensembles protéiformes (Untitled. Yellow Monster, The Meaning of Things et Representing the Work) où tous ses champs d’investigation sont développés. Les connexions visuelles entre supports différents (papiers, tableaux, tissus) semblent réarticulées à l’infini, dans un environnement mixant le figuratif et l’abstrait, avec quelques plongées fascinantes dans le monde d’Internet qu’il exploite et explore à sa façon.
LES CONNEXIONS VISUELLES ENTRE SUPPORTS DIFFÉRENTS SEMBLENT RÉARTICULÉES À L’INFINI, DANS UN ENVIRONNEMENT MIXANT LE FIGURATIF ET L'ABSTRAIT
L’ensemble Berlin Studio Rubbing Archive (2012-2020) constitue l’apothéose et le troisième acte de cet opéra silencieux. Il déploie ses 44 éléments sur l’intégralité des cimaises et du sol de la grande salle carrée, et s’impose par la radicalité de son traitement en noir et blanc. Cette œuvre monumentale se présente comme un environnement graphique où Mullican revisite ses sources d’inspiration, l’élargissant aussi bien à l’histoire des techniques qu’à la bande dessinée.
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« Matt Mullican, Representing the Work », MAC’s, site du Grand-Hornu, 82 rue Sainte-Louise, Hornu, Belgique.
Catalogue, en coédition avec MER et Borgerhoff & Lamberights (Gand), 120 p., 39 euros.