On connaît Ambroise Vollard (1866-1939) marchand d’art et défricheur avant-gardiste, peint par Paul Cézanne. On connaît moins Ambroise Vollard éditeur d’art, activité qu’il a pourtant menée avec passion de 1896 jusqu’à sa mort accidentelle en 1939, et que son principal successeur, Henri Petiet, a poursuivie. À la faveur d’un don récent au Petit Palais, le musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, la commissaire Clara Roca, conservatrice chargée des collections d’arts graphiques et de photographies des XIXe et XXe siècles, retrace le parcours d’Ambroise Vollard au sein de l’histoire moderne de l’estampe et de la bibliophilie, domaines, là encore, moins connus du grand public.
Un bibliophile audacieux
Dans la première salle, un plan de Paris localise les imprimeurs, typographes ou brocheurs avec lesquels Vollard et Petiet travaillaient. Cette géographie, esquissant un monde aujourd’hui presque disparu, révèle l’une des singularités majeures de l’estampe : sa nature collaborative et artisanale.
La découverte des premiers albums édités par Vollard à partir de 1896-1897 est un émerveillement. Commandés à des peintres (et non des graveurs professionnels) parmi lesquels Edvard Munch, Odilon Redon, Jan Toorop ou Édouard Vuillard, ils démontrent la vitalité d’un art à la diffusion plus large que la peinture de chevalet. Le regard est happé par la ligne, noire et émouvante, des corps de Suzanne Valadon, les visages grotesques de Félix Vallotton, les paysages de Ker-Xavier Roussel, quasiment traités en all-over lithographique.
À la faveur d’un don récent au Petit Palais, la commissaire Clara Roca retrace le parcours d’Ambroise Vollard au sein de l’histoire moderne de l’estampe et de la bibliophilie.
Puis, en 1900, Vollard, grand lecteur, publie un livre, Parallèlement de Paul Verlaine, illustré par Pierre Bonnard, premier d’une longue série. Il soigne ses éditions, recherche les plus beaux papiers, exhume des typographies oubliées. Ses réalisations choquent la plupart des bibliophiles. Mais Vollard, qui travaille à perte, s’entête, avant de rencontrer le succès dans l’entre-deux-guerres. La contribution de Pablo Picasso constitue un autre temps fort de l’exposition, avec la mythique Suite Vollard, cent eaux-fortes exécutées entre 1930 et 1937.
L’exposition est ensuite consacrée au rachat du fonds Ambroise Vollard par Henri Petiet, dont elle atteste surtout le goût plus convenu. Elle s’achève par une évocation très pédagogique de la fabrication des estampes, avec des démonstrations sur une presse à taille-douce, en partenariat avec l’Imprimerie nationale.
-
« Édition limitée. Vollard, Petiet et l’estampe de maîtres » 19 mai-29 août 2021, Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris.