Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette candidature de Clermont-Ferrand au titre de capitale européenne de la culture ?
D’abord, c’est un engagement ancien, puisque j’en ai parlé pour la première fois en 2012. En 2014, lorsque j’ai été élu maire, j’ai lancé le processus. Nous avons fait un travail en direction des territoires, des publics. Nous avons ensuite organisé des états généraux de la culture qui ont permis de commencer à réfléchir sur ce que pourraient être les axes de notre candidature. Il est devenu évident que même si seule une ville doit postuler, en l’occurrence Clermont-Ferrand, le territoire pouvait être élargi au Massif central.
Il s’agit d’une vraie dynamique territoriale portée par une région qui se situe au cœur de la France.
Oui, et un territoire qui a quelquefois été un peu dans les marges parce que plus enclavé, plus montagneux, plus rude. Douze départements sur vingt-deux ont aujourd’hui adhéré à notre démarche. Quatre régions françaises soit nous soutiennent, soit nous regardent avec un peu de bienveillance. Notre candidature a créé un espoir de réfléchir autrement à la question de la culture, par exemple autour des mobilités. Comment allons-nous au spectacle ? C’est le spectacle qui vient à nous. Nous nous interrogeons sur les résidences artistiques, sur la place à donner à la création dans l’ensemble des territoires, y compris dans leur grande diversité, qui vont d’une métropole comme Clermont-Ferrand jusqu’à de tout petits villages en Corrèze, en Creuse, en Lozère nord, dans le Cantal.
Quels sont les grands axes autour desquels s’articule votre projet de capitale européenne de la culture?
Il y a d’abord des axes sur lesquels nous sommes attendus, comme montrer que nous sommes en prise avec les cultures de l’Europe, que nous sommes connectés à cette diversité, qui passera par un travail avec les villes jumelles et avec la République tchèque qui sera, en 2028, l’autre pays où sera désignée une capitale européenne de la culture. Cela passera aussi par la question de la jeunesse et de l’enfance qui sont des éléments essentiels dans un territoire qui cherche justement à développer une stratégie de rajeunissement. Ce seront également les problématiques des paysages, de la nature, des volcans, de la qualité de vie. Au moment où les gens semblent vouloir revenir à de grands espaces, c’est une candidature qui portera enfin sur la question de la place des citoyens, des publics, de la démocratisation comme composante indispensable. Nous défendrons par ailleurs des thèmes comme la création contemporaine, la digitalisation des créations culturelles qui seront incontournables, car, en 2028, beaucoup de choses auront changé.
La culture ne doit pas être réservée à une petite élite, prédestinée, elle doit au contraire être accessible à tous. C’est un enjeu de politique publique. Pour un maire, c’est capital.
Quels sont les atouts de Clermont-Ferrand pour cette candidature ?
Nous avons développé une politique culturelle depuis une vingtaine d’années qui est assez cohérente et reconnue. Je pense notamment au premier centre d’initiation à l’art pour les 0-6 ans, mille formes , mais aussi à un territoire qui réfléchit au rapport entre l’urbain et le rural, non pas dans un environnement de domination, de centralisation ou de hiérarchisation, mais au contraire de solidarité et de complémentarité. Nous avons mis en place des outils d’innovation culturelle, comme la tournée du MuMo [Musée Mobile] avec le Centre Pompidou sur l’ensemble du Massif central. Nous nous intéressons aux notions de résidence, à la question de la place de la culture au plus près des habitants.
Qui porte cette candidature autour de vous ?
C’est d’abord une association présidée par l’écrivaine Cécile Coulon, qui est de Clermont-Ferrand. Nous avons le soutien de plusieurs entreprises, puisque 20 % de notre budget à ce stade provient du mécénat. De ce point de vue, la Fondation Michelin est un partenaire essentiel, mais beaucoup d’autres participent. Le président de l’université est membre de l’association ainsi qu’un grand nombre d’habitants et de structures culturelles.
Est-ce important pour vous d’associer les créateurs à ce projet de candidature ?
Oui, parce que notre projet n’est pas simplement une année de fêtes et d’événements. Notre objectif est d’être dans la durée et d’établir des relations nouvelles et renforcées entre les créateurs, les artistes. Nous voulons leur dire : « Venez, vous avez là un territoire accueillant, pertinent pour disposer de bonnes conditions de travail. » Tous ceux qui auront envie d’être de l’aventure seront les bienvenus, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs.
La culture est-elle centrale dans votre action en tant que maire ?
C’est l’une de mes politiques publiques phares. D’abord parce que j’ai longtemps été adjoint à la politique culturelle. Ensuite parce que, lorsque l’on est, comme moi, plutôt un homme de gauche, l’idée est de combattre les injustices de naissance, c’est-à-dire d’essayer de permettre à chacun de s’émanciper. Il y a bien sûr des combats sociaux et économiques, mais il y a également le grand combat de l’éducation, du savoir, de la culture. La culture ne doit pas être réservée à une petite élite, prédestinée, elle doit au contraire être accessible à tous. C’est un enjeu de politique publique. Pour un maire, c’est capital.
La dimension européenne est bien évidemment centrale dans ce projet.
Pour moi, l’Europe, c’est le sens de l’histoire, c’est la nouvelle utopie collective. Il y a eu traditionnellement des terres proches de ses centres de gravité, comme le triangle d’or Benelux-Rhin-Rhône. Mais le Massif central ne peut pas et ne doit pas en être exclu. Nous sommes prêts à prendre toute notre part dans l’identité européenne. Et au fond, il y a beaucoup d’autres « Massif central », nous sommes une sorte de paradigme européen.