Nouvelle polémique à la Documenta 15 à Cassel, en Allemagne, après que le conseil de surveillance de la manifestation a décidé de censurer un ensemble de films sur l’histoire de la Palestine. Cette décision a été condamnée à la fois par les commissaires de cette édition – le collectif indonésien Ruangrupa – et par le comité de sélection de la direction artistique.
Le conseil de surveillance de la Documenta 15, qui se poursuit jusqu’au 25 septembre, a décidé d’interrompre la projection de Tokyo Reels, un ensemble de films restaurés par le collectif cinématographique Subversive Film. Ce dernier entend faire la lumière sur « la solidarité anti-impérialiste méconnue et encore non documentée entre le Japon et la Palestine », peut-on lire sur le site Internet de la Documenta.
Le comité de sélection de la direction artistique de la Documenta 15 a de son côté déclaré dans un communiqué qu’il « exprime son soutien à la récente déclaration des membres de Ruangrupa, de la plateforme artistique Lumbung et des artistes participants. Les pressions exercées par les médias et les personnalités politiques sur l’ensemble de l’équipe de la Documenta sont devenues insupportables. Nous voulons défendre leur extraordinaire travail et leur investissement à travers cette déclaration ». Ce comité comprend Amar Kanwar, Charles Esche, Elvira Dyangani Ose, Frances Morris, Gabi Ngcobo, Jochen Volz, Philippe Pirotte et Ute Meta Bauer.
Les films de la série Tokyo Reels ont été projetés jusqu’au 14 septembre, a confirmé Mohanad Yaqubi, cofondateur de Subversive Film. Une décision finale sur la censure ou non des films sera prise prochainement, nous a déclaré Mohanad Yaqubi.
Le conseil de surveillance affirme toutefois que l’œuvre constitue « une propagande pro-palestinienne réalisée entre les années 1960 et 1980 ». Qualifiant les films de « hautement problématiques », le conseil a déclaré qu’ils sont « remplis de scènes antisémites et antisionistes » qui sont présentées comme des faits objectifs. Parmi les membres du conseil de surveillance figurent Angela Dorn, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, des Sciences et des Arts du Land de Hesse, et Susanne Völker, responsable du département de la culture de la ville de Cassel.
Plus de 100 personnes de la plateforme Lumbung de la Documenta 15 ont condamné cette censure dans une lettre ouverte, signée par Ruangrupa, mais aussi par le collectif d’artistes palestiniens The Question of Funding et Subversive Film, estimant qu’elle se fondait sur des affirmations mal documentées provenant des médias, manquant de preuves scientifiques et de références académiques.
Les signataires affirment aussi que ce retrait « représente une nouvelle ligne franchie, et nous la refusons catégoriquement : elle marque une dérive raciste dans une démarche pernicieuse de censure. Nous dénonçons la tentative vicieuse de censurer la présentation de Tokyo Reels. »
Un porte-parole de la Documenta a déclaré que « Ruangrupa, en tant que direction artistique de la Documenta 15, a seul le droit de décider et ne souhaite pas suivre la recommandation de retirer temporairement l’œuvre Tokyo Reels de Subversive Film de l’exposition. »
Des allégations d’antisémitisme pèsent sur la Documenta 15 depuis janvier 2022, lorsque les médias allemands et les politiciens locaux ont commencé à s’opposer aux positions pro-Palestine et pro-boycott d’un certain nombre de participants à la manifestation.
En juillet, le conseil de surveillance de la Documenta a publié une déclaration exprimant sa « profonde consternation » face à la présentation d’œuvres affichant un « contenu antisémite ».
Depuis, Sabine Schormann, qui était à la tête de l’exposition quinquennale, a été poussée à la démission. Elle a été remplacée par Alexander Farenholtz.