Quel est votre parcours de collectionneuse ?
Je collectionne depuis une vingtaine d’années et j’ai créé en 2009 SAM Art Projects, une organisation à but non lucratif qui vise à aider les artistes. Dans le cadre de ce projet, j’ai créé le prix SAM pour l’art contemporain ainsi que des programmes de résidence d’artistes. Je suis très liée aux artistes par la philanthropie.
Quelle est l’histoire de SAM Art Projects ?
Je ne voulais pas seulement collectionner, mais être plus active dans des processus de création avec les artistes, ce qui pour moi était plus intéressant que de simplement accumuler des œuvres. D’autre part, avec ce projet, je souhaitais que tout le monde puisse avoir accès à l’art.
Enfin, étant moi-même une Brésilienne résidant en France, je voulais aider
les artistes venant de pays extra-européens à obtenir une visibilité parisienne. C’est pour cela que j’ai créé ce programme de résidences. Quant aux artistes français, il fallait qu’ils puissent partir à l’étranger, pour voir ce qui se passe ailleurs. J’ai également établi des partenariats avec les institutions, notamment le Palais de Tokyo, où j’ai montré la plupart des projets de ces artistes. Cela a permis à beaucoup d’entre eux, qui sont d’ailleurs présents à Paris+, et avant à la FIAC, à travers des galeries étrangères, d’avoir une visibilité plus institutionnelle.
Qu’est-ce qui vous intéresse en tant que collectionneuse ?
Ma collection constitue une œuvre en soi, c’est un récit narratif dont chaque œuvre est comme un morceau de puzzle. Mes choix sont très personnels puisque ce récit narratif est finalement ma propre vie et chaque pièce qui entre dans ma collection est un véritable coup de cœur qui intègre cette narration.
Y a-t-il des artistes plus récurrents dans ce récit narratif ?
Il y en a quelques-uns qui reviennent régulièrement mais je suis plus intéressée par l’œuvre que par l’artiste. Il y a beaucoup de créateurs dont je n’ai qu’une seule œuvre, parce que c’est celle-ci en particulier qui m’a frappée et que j’ai voulu intégrer à ma narration. Il y a bien sûr des artistes dont j’ai un certain nombre de pièces. Par exemple Pierre Ardouvin est très présent dans ma collection car il a quelque chose qui entre véritablement dans ce récit.
Quels artistes vous ont interpelée récemment ?
Cela m’arrive tous les jours ! Les collections ne s’arrêtent jamais, ce sont des « work in progress ». Très récemment, j’ai eu un coup de cœur pour les œuvres d’une artiste que je ne connaissais pas du tout, Maria Andrade, représentée par la galerie brésilienne Marilia Razuk. J’ai aussi acheté plusieurs œuvres de Pierre Ardouvin lors son exposition chez Praz Delavallade.
Quel regard portez-vous sur la scène française et sur le rôle de Paris pour les artistes, qu’ils soient émergents ou plus installés ?
Pendant la période de l’entre-deux-guerres, Paris était le centre du monde de l’art parce que, justement, ce qu’on appelle la scène française était enrichie de tous ces artistes immigrants qui venaient du Japon, comme Foujita, d’Italie, comme Modigliani, de Russie avec Chagall ou d’Espagne avec Picasso. C’est à Paris que tout se passait pour ces artistes et je pense que la ville reprend ce rôle aujourd’hui. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai créé SAM Art Projects. Si l’on regarde par exemple Kubra Khademi, l’artiste afghane en exil à Paris, elle est arrivée en tant que réfugiée et elle connaît aujourd’hui un grand succès. Je pense que Paris a ce rôle-là.
Vous tournez-vous vers les viviers d’artistes, tel que POUSH Manifesto ?
Oui, énormément. Que ce soit POUSH, ou bien les Grandes Serres de Pantin et maintenant de Montreuil, j’effectue régulièrement des visites
dans les ateliers et j’achète des œuvres d’artistes très jeunes. Je suis également présidente d’une école d’art, la Villa Arson à Nice, pour laquelle j’ai créé un prix, afin d’encourager les élèves. J’ai un véritable intérêt pour les jeunes artistes et artistes émergents.
Comment les foires vous sont-elles utiles dans votre manière de collectionner ?
Elles me permettent de voyager et cela m’amène à regarder des artistes auxquels je n’aurais pas accès ici, dans ma zone de confort. Pour les foires ou les biennales, aller voir ailleurs est extrêmement important.
Quel est votre regard de collectionneuse internationale sur Paris Comment la ville a-t-elle évolué par rapport à d’autres scènes, telles que celles de Londres et New York par exemple ?
Je pense que les Anglais se sont tiré une balle dans le pied et, grâce à eux, Paris a acquis une position centrale au niveau européen, sachant que la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne. Pour Art Basel, il y a en effet un avantage fiscal à s’installer dans la capitale française, grâce à quoi la place est devenue cruciale.
Comment percevez-vous l’importance prise par Paris au sein de la scène internationale et que signifie pour vous l’arrivée d’Art Basel dans la capitale française ?
Art Basel à Paris va amener un nouveau dynamisme qui aidera tout le monde, des jeunes aux plus confirmés. Tout est interconnecté et cette arrivée est importante à tous les niveaux puisqu’elle va apporter une immense visibilité aux artistes, galeries et institutions parisiennes. Même pour un étudiant des Beaux-Arts, l’implantation d’Art Basel à Paris jouera un rôle.
Diriez-vous que vous êtes plus enthousiaste par ce qui se passe à Paris que dans d’autres villes ?
Non, puisque, même si personnellement je trouve qu’il est formidable que Paris ait acquis cette nouvelle force mettant les artistes de la ville sur le devant de la scène, ma vocation est de toujours partir ailleurs, d’aller voir ce qui se passe dans une biennale à Lubumbashi au Congo ou à Kochi-Muziris en Inde.
Comment Paris attire-t-elle les collectionneurs ?
Je dirais déjà que la ville en elle-même est incroyable et constitue un endroit où les gens sont très heureux de venir. Et puis, par rapport à Bâle, qui en termes de logistique est toujours très compliquée, Paris a la chance d’avoir une offre incroyable d’hôtels et de restaurants.
Quelles seraient d’ailleurs vos recommandations de restaurants parisiens ?
J’aime bien Forest avec son jeune chef, Julien Sebbag, qui est situé au musée d’Art moderne de Paris, dans un coin très agréable pour visiter des expositions. Autrement, pour une vue imprenable sur Paris, je conseillerais le restaurant Bonnie.
Quelles sont les expositions parisiennes qui vous ont récemment marquée ?
La Fondation Cartier a fait un travail formidable en montrant l’œuvre de Sally Gabori, qui sort des sentiers battus. J’ai aussi beaucoup aimé l’exposition « Une Seconde d’éternité » à la Bourse de Commerce-Pinault Collection. Et enfin, j’ai hâte de découvrir la prochaine exposition de l’Institut du monde arabe, « Habibi, les révolutions de l’amour », qui mettra en avant les identités LGBTQIA+ du monde arabe.