Les changements de direction se poursuivent dans les plus grands musées russes. Après le départ de Zelfira Tregulova de la Galerie d’État Tretiakov, Marina Lochak a démissionné de son poste de directrice du Musée d’État des beaux-arts Pouchkine. Elle dirigeait l’institution depuis dix ans. Elle a décidé de quitter ses fonctions avant la fin de son mandat.
« Le musée est dans une dynamique incroyable, les gens qui y travaillent forment une équipe unie. Nous avons bouclé notre programme d’expositions jusqu’à fin 2025, nous organisations des activités éducatives et nous nous développons en régions. Il n’y a qu’un seul point faible : le bâtiment, pour lequel nous dépendons des fonds publics. Je pense que l’État comprend l’importance de cette question », a-t-elle déclaré.
Selon Marina Lochak, « les dix dernières années ont été une période incroyablement heureuse dans ma vie – une aventure pleine de défis qui m’a changée pour le meilleur. Mais ce que j’ai surtout apprécié, c’est l’amour que j’ai porté aux personnes qui travaillent au musée ».
Le départ de Marina Lochak était une hypothèse de plus en plus crédible après le récent licenciement de Zelfira Tregulova, directrice de la galerie Tretyakov, qui a connu un succès sans précédent mais dont le contrat n’a pas renouvelé. Marina Lochak n’a pas attendu que le ministère de la Culture prenne une décision à son encontre et a présenté elle-même sa démission – son contrat devait expirer au début du mois d’avril. « Je devais prendre seule cette décision », a-t-elle déclaré à The Art Newspaper.
La saine concurrence entre les deux directrices de ces musées moscovites emblématiques a contribué ces dernières années à une véritable renaissance de ces institutions, offrant au public russe des expositions de niveau mondial.
Selon la rumeur, Marina Lochak avait été choisie pour lui succéder par Irina Alexandrovna Antonova, la grande dame qui a dirigé l’institution de main de fer pendant un nombre record d’années – de 1961 à 2013, quittant son poste à l’âge de 91 ans. Elle avait ensuite continué à travailler au musée jusqu’à sa disparition en 2020.
Marina Lochak a dû diriger dans un premier temps le musée sous la supervision de l’ancienne directrice, réussissant à prendre diplomatiquement ses distances et à affirmer sa propre conception du musée. La nouvelle directrice entendait en effet ouvrir l’institution aux tendances nouvelles, à l’art contemporain, en invitant les stars d’aujourd’hui (des projets ont été conçus par des artistes tels que Wim Delvoye, Cai Guo-Qiang – qui a créé d’impressionnantes installations à l’extérieur et à l’intérieur du musée pour le centenaire de la révolution d’Octobre –, Viktor Pivovarov ou Alexander Ponomarev). Cette évolution a conduit à la création d’un département spécial du musée appelé « Pushkin XXI », dirigé par la conservatrice Olga Shishko. Leur coopération avait débuté lorsque Marina Lochak était directrice artistique du Manège à Moscou et qu’elle avait invité Olga Shishko à travailler sur le projet novateur du réalisateur Peter Greenaway, consacré aux héros de l’avant-garde russe. L’une des expositions marquantes de ce département du musée fut celle du vidéaste Bill Viola qui remporta un énorme succès de fréquentation.
Le Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine a été le premier en Russie à être présent à la Biennale de Venise, en organisant des expositions spéciales avec des artistes contemporains en lien avec l’art classique. La première s’est intitulée « L’homme comme un oiseau. Images de voyages », suivie du projet « À la fin demeure le commencement. La fraternité secrète du Tintoret » (au moment où le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg organisait l’exposition présentée dans le pavillon russe).
Cette vision contemporaine du patrimoine classique, mettant en exergue la continuité de l’expérience artistique, de l’art ancien au contemporain, a été la marque de la direction de Marina Lochak. Son apothéose a été incarnée par l’exposition « Drôles de convergences » de Jean-Hubert Martin en 2021-2022. Le conservateur français avait présenté des œuvres de différentes époques et tissé des connexions et des convergences entre eux. Cette approche prime aujourd’hui dans l’antenne régionale du musée à l’Arsenal de Nijni Novgorod. Ce lieu accueille actuellement l’exposition « Named by Vasari. Renaissance », où des œuvres de la Renaissance issues de la collection du musée sont mises en dialogue avec des pièces d’artistes contemporains.
Les amateurs des chefs-d’œuvre de l’art mondial n’ont pas pour autant été négligés. Ils ont pu apprécier des expositions consacrées à Caravage, Gainsborough, à l’École de Londres, à l’art classique japonais et, plus récemment, aux antiquités égyptiennes. De plus, deux expositions sur l’art moderne français, issues d’un projet international sans précédent initié par la Fondation Louis-Vuitton (Paris) consacré aux grands collectionneurs russes Sergueï Chtchoukine et Mikhaïl et Ivan Morozov, ont rencontré un énorme succès public. En parallèle, le musée avait accueilli en 2019 l’exposition d’art contemporain « La collection de la Fondation Louis Vuitton, un choix au musée Pouchkine ».
C’est dorénavant Elizaveta Likhacheva qui sera responsable des nouveaux développements de l’institution. À la tête du musée d’architecture Chtchoussev depuis plusieurs années, elle a notamment réussi à négocier le transfert de la maison de Constantin Melnikov dans l’escarcelle du musée – la maison sera restaurée. Natalia Shashkova, qui succède à Elizaveta Likhacheva, sera chargée de poursuivre ces travaux. Avant sa nomination, cette dernière a travaillé au musée en tant que conservatrice en chef et directrice adjointe chargée de l’inventaire et des réserves.
Quelles nouvelles orientations donnera Elizaveta Likhacheva au musée Pouchkine ? Nous devrions rapidement le savoir.