Née en 1978 à Hamilton (Canada), Kapwani Kiwanga, présente dans de nombreuses collections françaises, européennes et nord-américaines, s’impose désormais comme une figure importante de sa génération. Elle représentera d’ailleurs le Canada lors de la 60e Biennale d’art de Venise, qui se tiendra du 20 avril au 24 novembre 2024. Diplômée en anthropologie et en religion comparée, elle s’intéresse au cinéma documentaire avant d’étudier aux Beaux-Arts de Paris. Sa pratique – installation, performance, vidéo, photographie ou encore sculpture – repose sur un travail préalable de recherche. L’asymétrie structurelle du pouvoir et des relations internationales, notamment dans le cadre colonial, et ses conséquences politiques et sociales à long terme constituent les principaux thèmes de son œuvre.
Le corps de l’ouvrage se compose d’un catalogue raisonné des œuvres de Kapwani Kiwanga depuis ses débuts en 2009 : chaque pièce y est analysée dans un court texte par Kathleen Ritter, auteure et elle-même artiste, et documentée d’une ou plusieurs photographies. Cette entreprise indispensable d’inventaire – qui montre l’ampleur de sa démarche – s’accompagne de huit essais par divers auteurs, critiques d’art, commissaires d’exposition ou encore anthropologues (Omar Berrada, Amzat Boukari-Yabara, Adrienne Edwards, etc.).
Parmi ces essais, celui de November Paynter est le plus stimulant, le plus complet. Il propose une étude globale de l’attachement de Kapwani Kiwanga à l’archive et aux différents récits historiques qui en découlent, mais surtout de sa capacité à ouvrir la réflexion pour offrir des visions alternatives de ces récits, à l’exemple de Flowers for Africa, mené depuis 2013. Ce projet est né de la consultation de photographies et films de cérémonies diplomatiques datant des indépendances africaines (années 1950-1960). Surprise par l’omniprésence de compositions florales complexes, décors éphémères et témoins fragiles de ces réunions, Kapwani Kiwanga les réinterprète en bouquets qu’elle laisse faner dans l’espace d’exposition, à la fois réactivation d’un moment historique voué à l’évanouissement et signe des multiples échecs politiques de la décolonisation. En écho aux divers essais, l’artiste signe un texte qui explore les violences de la photographie coloniale.
Enfin, la direction artistique de l’ouvrage, de fabrication très soignée, a été confiée au studio londonien A Practice for Everyday Life. Outre le recours à des papiers différents pour distinguer les parties catalogue et textes, l’usage d’un papier bleuté – qui évoque l’univers de l’archive – pour le sommaire ainsi que l’insertion d’un feuillet remplié de même couleur, rappelant l’intérêt de Kapwani Kiwanga pour le pliage, témoignent d’une conception inventive.
Kapwani Kiwanga, Genève, JRP|Éditions, 2023, 224 pages, 160 illustrations, 40 euros, disponible en édition française ou en anglaise.