L’œil du collectionneur Alain Delon triomphe chez Bonhams Cornette de Saint Cyr

Il a fallu une après-midi entière au commissaire-priseur Arnaud Cornette de Saint Cyr pour disperser les 83 lots de la collection d’Alain Delon, le 22 juin 2023 chez Bonhams Cornette de Saint Cyr, tant les enchères étaient abondantes. Une salle était réservée à ceux qui souhaitaient suivre la vente sur un écran. Et une autre, aux enchérisseurs en personne, avec un parcours différent pour ces deux publics. La vente s’est déroulée sous l’œil concentré d’Anouchka Delon, la fille de l’acteur, et de son mari, qui a tenté d’enchérir, sans succès face à la forte demande, notamment sur un dessin d’Honoré Daumier. Probablement au nom de son beau-père, qui avait pour coutume de racheter parfois des œuvres dans les propres ventes de ses collections… « Tout est parti, et c’est très bien ainsi », nous a confié Anouchka Delon.

Seuls deux lots n’ont pas trouvé preneur, l’ensemble totalisant 8 millions d’euros avec les frais, soit le double de l’estimation basse (la collection était évaluée de 4 à 5 millions). Ce résultat témoigne tant de l’aura intacte de la star française que de la qualité des œuvres qu’il avait réunies, les acheteurs étant très internationaux : français, américains, britanniques et suisses en tête, mais aussi belges, italiens, espagnols, néerlandais, japonais ou même provenant du Golfe…

Très attendue, La baie de Sainte-Adresse par Raoul Dufy a suscité une bataille entre trois enchérisseurs au téléphone, pour partir à l’estimation haute, 800 000 euros, soit 1 million d’euros avec les frais. Le tableau avait appartenu au peintre nabi Maurice Denis, une découverte due à Émilie Millon, spécialiste chez Bonhams Cornette de Saint Cyr. Cheval arabe attaché à un piquet, d’Eugène Delacroix, a remporté 610 000 euros au marteau (775 000 euros avec frais), dépassant l’estimation haute de 500 000 euros. Il s’agit d’un achat du marchand et spécialiste parisien de l’orientalisme Mathias Ary Jan, au téléphone dans la salle avec un client. Puis, sans surprise, les enchères ont crépité pour trois fauves de bronze de Rembrandt Bugatti, une magnifique lionne couchée baillant partant pour un demi-million d’euros avec les frais (533 800 euros). Alain Delon, l’un des plus importants collectionneurs au monde du sculpteur italien, sinon le premier, s’était séparé déjà de bronzes animaliers de l’artiste, en 1990 à Londres (32 !) et en 2016 à Paris (12 !). Par ailleurs, un tableau cubiste d’Albert Gleizes a rapporté 356 000 euros avec les frais.

Grande passion de l’acteur, qui a commencé par là sa collection, dès 1964, les dessins étaient très présents dans la vente. Ils avaient fait l’objet en 2010 d’une exposition au sein du Salon du dessin, au Palais Brongniart, à Paris. Une danseuse de dos par Edgar Degas a remporté 200 000 euros frais compris, dépassant allégrement l’estimation de 80 000 à 120 000 euros. Selon un catalogue de vente aux enchères appartenant à Alain Delon, que nous avons pu consulter, ce dernier avait en 1991 dépensé 90 000 dollars de l’époque pour l’acquérir chez Christie’s à New York, annotant fièrement à côté à l’encre verte : « mine » (à moi). Du côté des dessins anciens, un saint par Domenico Beccafumi – une feuille dessinée aussi au verso – a obtenu 241 700 euros avec les frais. Un Christ en Croix du Guerchin a récolté 140 100 euros avec les frais. Bel intérêt aussi pour les trois dessins du XVIIe siècle hollandais de Jan Josefsz. van Goyen, dont Paysage d’hiver : pêcheurs sur la glace a été acheté par la galerie Haboldt & Co. « C’est l’un des plus beaux dessins de l’artiste, absolument exquis. Nous l’avons acheté pour la qualité de l’œuvre », nous a confié Goedele Wuyts, envoyée par l’enseigne à la vente.

Cette dispersion a donc consacré l’œil d’Alain Delon collectionneur, avisé mais jamais spéculateur, l’équipe collective de Cornette de Saint Cyr, désormais adossé à Bonhams, ayant réussi à toucher des enchères de partout. L’acteur n’a pas tout vendu : d’après nos informations, il a regarni ses murs avec ce qu’il avait en réserve, et a gardé au moins un rare marbre de Bugatti et des œuvres de Millet, l’un de ses artistes favoris…