Cet été, la société londonienne Frieze, qui organise cinq grandes foires dans le monde – dont Frieze Seoul qui se tient en Corée du Sud du 6 au 9 septembre –, a annoncé l’acquisition de l’Armory Show et d’Expo Chicago. Quelles incidences cela aura-t-il sur l’avenir de l’Armory Show, fondée en 1994 par quatre marchands new-yorkais sous la forme d’une foire se déroulant dans un hôtel ?
Pour l’instant, Nicole Berry conserve son poste de directrice exécutive de la foire, qu’elle occupe depuis 2017, et aucun changement de personnel, de calendrier ou de format n’a été annoncé. La foire reste sur son créneau de septembre au Javits Center, le principal centre de congrès de New York. Plus de 200 exposants participent à cette édition 2023.
Les marchands qui ont exposé à l’Armory Show et aux autres foires Frieze, y compris Frieze New York au printemps, n’ont constaté aucun changement dans la préparation de la première édition de la « foire de New York » depuis son acquisition. La plupart d’entre eux estiment que Frieze devrait donner à l’Armory Show une dimension plus internationale, à la fois du point de vue des collectionneurs et des marchands. Toutefois, certains s’interrogent sur l’impact possible de ce changement sur le caractère local de la foire.
Hollis Taggart, qui participe à l’Armory Show depuis les premières années avec sa galerie éponyme de Chelsea, nourrit de grands espoirs. « Le fait d’ajouter l’image de marque de Frieze est un grand pas en avant. L’essentiel est que le personnel reste le même. Ils organisent une foire soignée et bien structurée, explique-t-elle. Cela ne peut qu’améliorer la stature mondiale de l’Armory. » En termes de public, la galeriste s’attend à ce que la foire « attire davantage l’attention à l’internationale, en particulier celle de l’Extrême-Orient ».
Claudia Altman-Siegel, directrice de la galerie Altman Siegel à San Francisco, se réjouit également de cette nouvelle. « Nicole Berry a fait un excellent travail avec l’Armory, et Frieze ne fera qu’augmenter le glamour et l’attention internationale », déclare-t-elle. « Le public de Frieze a beaucoup changé depuis qu’Endeavor l’a repris », ajoute-t-elle, en référence à l’agence de talents et à la société de divertissement d’Hollywood qui, en 2016, a acquis une participation majoritaire dans Frieze. « Il y a plus d’entreprises impliquées et un plus grand nombre de personnes qui ne sont pas strictement issues du monde de l’art, ce qui présente ses avantages et ses inconvénients. » L’Armory, dit-elle, a toujours eu l’air d’un « événement local et amusant pour les New-Yorkais », par opposition à une manifestation pour célébrités.
Andrew Freiser, associé du cabinet Fredericks & Freiser à New York, estime que cette acquisition préservera, plutôt qu’elle n’amoindrira, les qualités uniques et locales de l’Armory Show. « Il s’agit d’une marque new-yorkaise vénérable, comme le restaurant The Odeon ou la librairie Strand. Je suis ravi qu’une société puissante de dimension mondiale telle que Frieze puisse contribuer à ce qu’elle le reste », déclare-t-il.
Un remaniement du calendrier à venir ?
David Cleaton-Roberts, directeur de la Cristea Roberts Gallery à Londres, affirme que l’Armory Show « a été une foire fantastique pendant des années, avec une identité claire ». Son avenir sous l’égide de Frieze, dit-il, « dépend de la fusion éventuelle des foires [de New York] ». Il souligne que les dates de Kiaf Seoul et de Frieze Seoul, qui se chevauchent avec l’Armory Show, pourraient poser des problèmes à l’avenir.
Glenn Scott Wright, directeur de la galerie londonienne Victoria Miro, qui fait partie du comité de sélection de l’Armory Show depuis plus de dix ans, estime que la fin de la concurrence entre la foire et Frieze sera mutuellement bénéfique. « Il était probablement un peu difficile d’avoir les deux foires dans la même ville, se disputant le même territoire et les mêmes clients, explique-t-il. S’ils peuvent travailler ensemble, Frieze aura désormais à cœur de défendre les meilleurs intérêts de l’Armory. »
« Le Javits Center semble être l’emplacement idéal, avec une capacité beaucoup plus grande » que le site voisin de Frieze New York, The Shed, qui peut accueillir moins de 70 galeries, ajoute-t-il. « Je suppose que c’est l’une des principales raisons pour lesquelles Frieze a pris le contrôle de l’Armory ». En ce qui concerne l’avenir, il se demande si le projet de Frieze est de « gérer une seule foire ou de continuer à organiser les deux ».
Toby Clarke, directeur de la Vigo Gallery à Londres, se montre un peu nostalgique après cette acquisition. « J’espère que l’Armory, où j’ai toujours aimé exposer, conservera sa propre identité, confie-t-il. C’est peut-être inévitable, mais en même temps un peu triste que les foires fusionnent autant. »
Toby Clarke insiste sur l’importance du fait de soutenir les galeries et les foires de plus petite taille dans un secteur de plus en plus dominé par Frieze et sa principale rivale, la société suisse Art Basel.
« Nous devrions valoriser les petits événements comme 1-54 Contemporary African Art Fair, Untitled et The Art Assembly, pour nous assurer qu’il y a une diversité et que les galeries sont capables de percer, défend-il. Nous sommes une petite galerie chanceuse, mais le système [des comités], avec sa sélection réalisée par des pairs, semble dépassé et ne permet pas d’aider les petites galeries, qui prennent une grande partie des risques et où se font les découvertes. »
Katelijne De Backer, directrice exécutive de l’Armory Show de 2000 à 2011, partage ce point de vue. « Je regrette un peu l’époque où l’Armory Show se tenait sur les Piers, dit-elle, en référence à l’emplacement où la foire se déroulait, sur les Piers 92 et 94 de l’Hudson River. L’ambiance y était beaucoup plus new-yorkaise qu’au Javits Center. L’époque où elle était un peu plus bohème me manque. Aujourd’hui, toutes les grandes foires sont très soignées et parfaites. Elles se doivent de l’être, dans une logique concurrentielle. »
« Tout change tellement dans le monde de l’art », ajoute-t-elle. L’Armory Show « était une petite chose élitiste pour les personnes intéressées par l’art. Mais les grandes foires d’art ont rendu l’art beaucoup plus démocratique ; c’est une bonne chose. »
« J’espère que Frieze et Art Basel continueront à offrir des opportunités aux petites galeries. C’est ce qui rend les foires intéressantes. Oui, il y a les grandes galeries, mais découvrir une enseigne plus récente, plus jeune, c’est ce que veulent les collectionneurs », conclut-elle.
Les galeries françaises, belges et suisses participantes :
Galerie frank elbaz (Paris) ; Galerie Jérôme Poggi (Paris) ; Templon (Paris, Bruxelles, New York) ; Galerie Christophe Gaillard (Paris, Bruxelles) ; Galerie Alberta Pane (Paris, Venise) ; Praz-Delavallade (Paris, Los Angeles) ; Semiose (Paris) ; Galerie Oniris (Rennes) ; Galerie Cécile Fakhoury (Abidjan, Dakar, Paris) ; Stems Gallery (Bruxelles, Paris) ; Maruani Mercier (Bruxelles, Knokke, Zaventem) ; Almine Rech (New York, Paris, Bruxelles, Londres, Shanghai) ; Tim Van Laere Gallery (Anvers) ; Galerie Lelong & Co (New York, Paris) ; Larkin Erdmann (Zurich) ; Galerie Hass (Zurich) ; Livie Gallery (Zurich) ; Galerie Fabian Lang (Zurich).