Le timing ne pouvait être meilleur. Alors qu’un nouvel album d’Astérix vient de paraître, avec force médiatisation, Millon va mettre en vente à Bruxelles, le 10 décembre, le dessin original à la gouache réalisé pour la couverture d’Astérix et Cléopâtre. Soit le 6e album des aventures du téméraire Gaulois, cosignées par Uderzo (pour le dessin) et Goscinny (pour le texte). « Dans l’histoire de la bande dessinée franco-belge, si l’on recherche le meilleur, on a le choix entre Tintin et Astérix. Si possible avec une couverture. Celle-ci orne l’un des albums les plus importants, les plus vendus d’Astérix », confie le commissaire-priseur Alexandre Millon. Son succès s’est prolongé au cinéma, puisque son adaptation en 2002 par Alain Chabat avait attiré 14,5 millions de spectateurs en France !
Comment la gouache, évaluée entre 400 000 et 600 000 euros, est-elle arrivée entre les mains du vendeur ? « Le propriétaire a rencontré Uderzo à la fin des années 1960 en Normandie via des amis communs, puis ils se sont revus. Lors d’un repas, Uderzo lui a offert le dessin, resté ensuite pendant cinquante ans dans la même collection. Nous disposons d’une photo d’époque de cette rencontre. Il était courant que les auteurs de bande dessinée offrent autour d’eux des dessins, ils n’avaient pas la même valeur qu’aujourd’hui », précise l’expert de la vente, Michaël Deneyer. Selon Alexandre Millon, la rencontre s’était initialement faite autour d’un projet d’adaptation en film animé.
Clou d’une vente de 600 lots, le dessin s’inspire littéralement de l’affiche du film culte Cléopâtre de Joseph Mankiewicz, sorti en 1963, avec pour héroïne une Elizabeth Taylor alanguie, entourée de Richard Burton et Rex Harrison. « C’est ce film qui est à la base de l’album, c’est lui qui a donné l’idée à René [Goscinny] de s’attaquer à l’histoire de Cléopâtre », a confié Albert Uderzo à Numa Sadoul. L’histoire inventée pour l’album différera toutefois du film… La gouache sera non seulement utilisée pour l’annonce de cette aventure dans le magazine Pilote du 28 novembre 1963, mais aussi pour la couverture définitive de l’album paru chez Dargaud en 1965. C’est pourquoi le millésime 63 a été recouvert de gouache pour être réutilisé deux ans plus tard…
Seule une dizaine de couvertures d’albums d’Astérix sont passées aux enchères à ce jour. En 2017, deux spécimens – l’un était Le Tour de Gaule, l’autre Le bouclier arverne – provenant de la collection de Pierre Tchernia sont passés en vente à Drouot, estimés prudemment de 180 000 à 200 000 euros hors frais. Le premier avait atteint 1,4 million d’euros frais compris, record mondial pour une couverture originale d’Uderzo, le second 1,2 million d’euros frais compris. Tous deux étaient dédicacés par Goscinny et Uderzo, ce qui n’est pas le cas de l’exemplaire de la vente de Bruxelles, qui porte la signature d'Uderzo. Malgré cette différence, « Cléopâtre » devrait elle aussi faire des étincelles…