Formé à la Royal Academy de Londres, couronné du prix de peinture de la Biennale de Venise en 1960, quatre ans avant sa disparition, Jean Fautrier est un artiste majeur du XXe siècle. La publication de ce premier catalogue raisonné de son œuvre peint, signé Marie-José Lefort, retrace son parcours, du réalisme de ses débuts, dans les années 1920 et 1930, à l’abstraction ou l’art dit « informel » à partir des années 1940, notamment ses poignantes séries engagées Otages (1943-1945) ou Partisans (1956). « Le chemin de Fautrier est marqué par son non-vouloir, le refus des écoles établies, ce qui lui vaut en 1928 le titre de “Rimbaud de la peinture” », écrit dans la préface Dieter Schwarz, ancien directeur du Kunstmuseum Winterthur.
Pour Jean Fautrier : « La peinture est une chose qui ne peut que se détruire, qui doit se détruire, pour se réinventer. » Inclassable, le peintre, né en 1898, fut proche des grandes figures intellectuelles de son époque – Jean Paulhan, Paul Éluard, René Char ou André Malraux. Des documents d’archives rappellent aussi combien il fut influent : « Ma pensée est toute remplie de Fautrier. De sa personne, de son art », écrit Jean Dubuffet en 1945. Georg Baselitz reconnaît quant à lui : « Je n’ai pas pu empêcher l’influence de Fautrier sur mon propre travail. Elle n’a peut-être pas été flagrante jusqu’à présent, mais elle a toujours été là. » À l’écart, Jean Fautrier a fait de la peinture une quête métaphysique dans la matière. « Voilà le solitaire capable de dominer une génération, la nôtre », salue Pierre Restany dans un catalogue d’exposition en 1957. « Son œuvre reste un œuvre secret pour amateur de secrets, résume Fabrice Hergott, directeur du musée d’Art moderne de Paris. À la fois brutal et précieux, il gagne, avec le temps, une présence sans équivalent. »
Marie-José Lefort, Fautrier, catalogue raisonné de l’œuvre peint, Paris, Éditions Norma, 2023, 632 pages, 1 250 illustrations, 150 euros.