Dans une lettre datée du 24 novembre 1885, Friedrich Nietzsche confie à un couple d’amis : « Il y a un sage mot provençal que j’apprends à comprendre chaque fois mieux (et ceci est déjà beaucoup pour un Allemand) : gai saber. » Tirée de l’art des troubadours, ces poètes lyriques de langue d’oc des XIe et XIIe siècles, la notion communément traduite par « gai savoir » est adoptée par Friedrich Nietzsche dès 1882 comme titre de l’un de ses ouvrages désormais parmi les plus fameux. Traduite et revisitée, la fröhliche Wissenschaft désigne chez Nietzsche cette relation intime qui associe santé du corps et de l’esprit, clémence du climat et travail philosophique. Souffrant de sévères migraines, de troubles optiques et de mélancolie aiguë – jusqu’à en perdre la raison en 1889 lors du célèbre épisode de Turin –, le philosophe allemand vient chercher dans le midi de la France de nouvelles perspectives vitales.
Entre 1883 et 1888, il se rend régulièrement dans la région niçoise, dont la splendeur hivernale lui apportera de fertiles périodes de convalescence (une révélation lors de la montée, ardue, depuis la gare d’Èze-sur-Mer, située en bord de mer, jusqu’au village médiéval perché à plus de 700 mètres, lui permettra de composer, entre autres, les deux dernières parties d’Ainsi parlait Zarathoustra en 1885). Dans une vision dialectique de ce qu’il appelle « la vie ascendante », Friedrich Nietzsche affirme : « Un philosophe qui a traversé et ne cesse de traverser plusieurs états de santé, a passé par autant de philosophies: il ne saurait faire autrement que transfigurer chacun de ses états en la forme et en l’horizon spirituels; un art de la transfiguration, voilà ce qu’est la philosophie. »
Tirée de l’art des troubadours, ces poètes lyriques de langue d’oc des XIe et XIIe siècles, la notion communément traduite par « gai savoir » est adoptée par Friedrich Nietzsche dès1882.
PREMIER ENVOL
Dans la lignée de ce double héritage lyrique et philosophique, La Gaya Scienza, tout juste inaugurée à Nice, se présente comme « un espace d’exploration poétique et artistique ». Accueilli dans un vaste appartement bourgeois doté de multiples pièces et d’un joli jardin arboré, ce lieu singulier attaché aux formes sensibles du partage et de l’hospitalité propose chaque année deux expositions, une série de rencontres, des ateliers pour enfants ainsi qu’une ludothèque en cours de constitution rassemblant déjà une quinzaine de jeux d’artiste. Sous le commissariat de Mathilde Roman, auteure d’Habiter l’exposition. L’artiste et la scénographie (Manuella Éditions, 2020), chercheuse et enseignante au Pavillon Bosco, à Monaco, une première présentation réunit une douzaine d’artistes contemporains, parmi lesquels Carlotta Bailly-Borg, Hélène Bertin et Sirine Fattouh, autour de Marcelle Cahn, dont les écrits et La Nageuse (1930) inspirent le titre, à son tour ascendant : « Faire, nager et s’envoler ».
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« Faire, nager et s’envoler », 4 novembre 2023-16 mars 2024, 9 bis, rue Dalpozzo, 06000 Nice.