Avec la participation de 27 enseignes, dont 14 basées sur le continent africain, la Foire 1-54 Marrakech, qui se tient du 8 au 11 février 2024, profite d’un engouement réel. Certaines galeries fidèles du Salon, telles celles de Cécile Fakhoury ou de Nathalie Obadia, délaissent pourtant cette année l’événement, tandis que d’autres se lancent dans l’aventure. Parmi ces dernières, on note les africaines Atiss Dakar, habituée des éditions londonienne et new-yorkaise, ou la Gallery 1957, installée à Accra, qui organise un group show d’artistes ghanéens, dont son artiste phare Amoako Boafo.
Les galeries émergentes répondent aussi à l’appel, à l’image des casablancaises CDA Gallery, African Arty et Myriem Himmich Gallery, ou de la parisienne Christophe Person – qui a récemment exposé le travail de la plasticienne Ghizlane Sahli, l’une des quatre artistes marocaines nommées pour le Norval Sovereign African Art Prize 2024. « Pour un grand nombre de galeristes, estime Touria El Glaoui, fondatrice de la Foire d’art contemporain africain, Marrakech représente une bonne introduction. C’est une foire à taille humaine permettant de rencontrer du monde. La ville nous attend de nouveau avec impatience, car beaucoup de collectionneurs y sont basés. Elle est devenue en quelques années une véritable destination culturelle et artistique. »
OUVERTURE D’UN NOUVEL ESPACE
La principale nouveauté de cette édition concerne l’extension de la Foire à l’espace DaDa, situé sur la mythique place Jemaâ el-Fna, afin notamment d’accueillir, à un prix d’accès moindre, les galeries émergentes. « C’est un site que l’on connaît bien, reprend Touria El Glaoui; nous y avons collaboré lors de précédentes éditions avec Sonia Perrin et Kamal Laftimi. Nous cherchions en effet à nous agrandir, et il était difficile de choisir un lieu autre que la Mamounia qui bénéficie d’un réel cachet. Il fallait que ce soit plus accessible au public, car, pour beaucoup de jeunes, notamment les étudiants, il existe une barrière mentale les empêchant parfois de pousser les portes d’un palace.» DaDa abrite plusieurs projets annexes, dont une installation monumentale d’Amina Agueznay, une librairie tenue par la CDA Gallery ainsi qu’une performance de la plasticienne Rita Alaoui, Lawsonia Cataplasm Garden, présentée en décembre 2023 au musée de la Chasse et de la Nature, à Paris, dans le cadre du prix Coal 2023 sur le thème de la plante.
La Foire 1-54 s’associe par ailleurs à la Black Rock Arts Foundation, créée à Dakar (Sénégal) par le peintre américain Kehinde Wiley, afin de coordonner à la Mamounia un colloque sur les résidences d’artistes en Afrique. Celui-ci convie des représentants de différentes institutions telles que Bandjoun Station (Cameroun), le musée de la Photographie de Saint-Louis (Sénégal), la Fondation MAM (Douala, Cameroun) ou encore Jardin Rouge (Marrakech). À cette occasion sont montrées des œuvres des artistes Léonard Pongo et Devin B. Johnson, anciens résidents de Black Rock. Le Sénégal est également à l’honneur grâce au programme In-Discipline de la Fondation Montresso*, l’un des points forts de la programmation VIP. Sous le commissariat d’Ousseynou Wade ,ancien secrétaire général de la Biennale de Dakar, l’exposition « Mutations » réunit six artistes sénégalais – Aliou Diack, Mbaye Babacar Diouf, Arébénor Basséne, Sambou Diouf, Amy Celestina Ndione et Ina Makosi – choisis pour leur capacité à proposer des œuvres répondant aux nombreux défis sociaux et environnementaux auxquels la planète est confrontée. « Ces artistes nous invitent à éprouver, à partir du socle de notre histoire et du patrimoine légué par les générations précédentes, notre devoir de restituer, en les enrichissant, les valeurs essentielles qui participent à l’équilibre de la communauté humaine », commente ainsi le commissaire de l’exposition. La Fondation Montresso* présente, d’autre part, dans sa galerie des Résidents inaugurée en 2023, l’exposition « Imagos » conçue comme un dialogue entre des œuvres créées lors de leur résidence par les artistes franco-marocaine Mouna Saboni et sud-africaine Barbara Wildenboer, explorant les liens entretenus par les livres et les images.
Parmi les autres manifestations en off de la Foire, la Galerie 127 consacre l’exposition « Swirti (chance, loterie, fête foraine) » au travail du photographe et cinéaste Daoud Aoulad-Syad. À l’Es Saadi Marrakech Resort sont présentées les pièces textiles inédites du peintre Yassine Balbzioui mêlant dessins à l’encre sur tissu et broderies traditionnelles. Elles sont issues d’une résidence que l’artiste marocain a menée à la Villa Swagatam, à New Delhi, en collaboration avec le Kalhat Institute, à Lucknow, en Inde. « Le point de départ de ce travail, explique l’artiste, est un bestiaire mi-humain mi-animal, librement inspiré des contes de fées, mais aussi de l’histoire de la ville de Lucknow, ainsi que de ses techniques de broderie. »
DES INITIATIVES PRIVÉES
Pour autant, force est de constater qu’en marge de la Foire les projets collaboratifs qui faisaient les beaux jours de l’événement (par exemple, en 2023, l’exposition collective « Le Corps spirituel et l’esprit charnel » préparée par Amina Benbouchta au palais El Badi) se tarissent au profit d’initiatives plus individuelles et d’expositions plus classiques organisées par les galeries. Plusieurs portes ouvertes sont ainsi prévues pour permettre au public de visiter les ateliers de Yasmina Alaoui, Amina Benbouchta, M’barek Bouhchichi ou encore Amine El Gotaibi – lequel entend réactiver l’œuvre Illuminate the Light qu’il avait installée dans la Courtyard de la Somerset House, à Londres. Autre initiative privée, l’ouverture d’un espace dans le quartier de Guéliz par la Loft Art Gallery, établie à Casablanca, après celui de la Galerie 38 en 2023, signe sans doute l’extension au domaine commercial d’une manifestation que le public marocain attend néanmoins avec une impatience non feinte.
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1-54 Marrakech, 8-11 février 2024, La Mamounia, avenue Bad Jdid; DaDa, 2, place Jemaâ el-Fna, Marrakech.