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Critique

Daoud Aoulad-Syad : un regard humaniste

Le photographe et cinéaste Daoud Aoulad-Syad montre, à l’American Arts Center, à Casablanca, des tirages qui capturent depuis quarante ans un Maroc populaire.

Olivier Rachet
3 mai 2024
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Daoud Aoulad-Syad, Maroc, vers 1988, tirage pigmentaire issu de diapositive. © Daoud Aoulad-Syad

Daoud Aoulad-Syad, Maroc, vers 1988, tirage pigmentaire issu de diapositive. © Daoud Aoulad-Syad

L’engouement qu’a suscité l’exposition de Daoud Aoulad-Syad, « Souirti Moulana », présentée à la Galerie 127 du 8 février au 30 mars 2024, en marge de la Foire 1-54, à Marrakech, semble rendre justice à l’un des photographes marocains pionniers de sa génération. Fêtes foraines, moussems (fêtes régionales), scènes de rues des quartiers populaires de Marrakech, sa ville natale, c’est tout un Maroc vernaculaire que le photographe capture depuis une quarantaine d’années. « Il n’y a pas vraiment de regard d’un Marocain autochtone sur le Maroc», rappelle-t-il, n’oubliant pas que le médium photographique fut introduit au pays sous le protectorat français et resta pendant long- temps l’apanage de photographes étrangers. Pour sa galeriste Nathalie Locatelli, Daoud Aoulad-Syad est aussi « un photographe humaniste qui n’a jamais produit une image dont la figure humaine ne soit pas le sujet. À la manière de Walker Evans, si méthode il y a, nous pouvons parler de photographie vernaculaire (à entendre comme un art “indigène” ou populaire) dans le sens où il a “documenté” les conditions matérielles de ses contemporains avec un sens esthétique qui lui est propre. »

L'enfant d’Henri Cartier-Bresson

Pour Daoud Aoulad-Syad, tout commence dans les années 1980, par une rencontre décisive avec Henri Cartier-Bresson, qu’il découvre dans une exposition à Nancy, où il prépare alors un doctorat en sciences physiques. « C’est lui qui m’a donné envie de faire de la photo », se souvient-il, ajoutant avoir été marqué par la simplicité des scènes représentées qui lui rappellent son quartier populaire de Riad Zitoun, à Marrakech. Son modèle, avec lequel il partage cette volonté farouche de capturer « l’instant décisif », il le rencontre en 1991, à l’occasion d’une exposition collective intitulée « Maroc, regards croisés », à l’Institut du monde arabe, à Paris. Daoud Aoulad-Syad y présente son travail aux côtés de Bruno Barbey et Harry Gruyaert. Alors que ce dernier, selon les mots de l’artiste marocain, « pousse la couleur à l’extrême » et « apporte de la couleur dans le noir et blanc », lui privilégie souvent des tirages en noir et blanc qui semblent témoigner d’un Maroc éternel.

Pour Roland Carrée, enseignant-chercheur en cinéma à l’École supérieure des arts visuels, à Marrakech, auteur du texte accompagnant l’exposition « Souirti Moulana », reprise à l’American Arts Center, à Casablanca, en collaboration avec la Galerie 127 de Marrakech, la filiation avec Henri Cartier-Bresson est évidente : « Ce qui est intéressant avec Daoud Aoulad-Syad, c’est qu’il reste à la lisière de la représentation folklorique d’un certain Maroc populaire, avec des hommes en djellabas, des médinas délabrées, des femmes voilées ou des enfants des rues. Sa photo dit encore quelque chose d’un Maroc qui n’est plus au centre des attentions et qui fait la part belle aux arts populaires. »

Parfois, de rares projets réalisés en studio, comme la série Ethnofolk en 2012 mettant en scène des musiciens populaires, rompent avec son inspiration urbaine.

« Je ne recadre jamais mes photos, tout est brut. Dans le désordre que je vois, je vais juste créer un ordre pour que tout soit à sa place. »

Daoud Aoulad-Syad, Place Djemaa el-Fna, Marrakech, 1986, tirage argentique. © Daoud Aoulad-Syad

Fixer le mouvement

Le photographe assimile de son côté sa pratique à une forme de déambulation quotidienne qui l’occupe depuis près de quarante ans. « Je sors et les sujets se dégagent d’eux-mêmes », explique-t-il, rapprochant son art de l’improvisation propre au jazz qui repose sur un sens aigu de la mise en scène. « Je ne recadre jamais mes photos, tout est brut, ajoute-t-il pourtant. Dans le désordre que je vois, je vais juste créer un ordre pour que tout soit à sa place. »

Ayant à son actif la réalisation de trois courts métrages et de sept longs, dont Adieu forain (1998) ou En attendant Pasolini (2007), qui n’ont toujours pas été numérisés, Daoud Aoulad-Syad vient d’achever Le Lac bleu. Il n’a de cesse d’explorer les marges de la société marocaine, n’hésitant pas à aborder les sujets tabous du travestissement ou de l’homosexualité, dans une société réputée conservatrice. « Je suis toujours à la périphérie », confie-t-il malicieusement, esquissant une opposition entre son cinéma friand de plans fixes dans lesquels le mouvement est omniprésent et sa photographie cherchant à fixer un mouvement. Pour l’heure, le photographe travaille à la conception d’un livre sur Marrakech qu’il imagine réaliser à partir des milliers de négatifs argentiques accumulés depuis les années 1980, avant qu’il ne passe à la photographie numérique en 2012. « C’est vraiment un projet qui me tient à cœur, clame cet éternel adolescent ; car ces images font partie de notre patrimoine ! »

Déplorant le manque d’intérêt des collectionneurs marocains pour cette photographie, Nathalie Locatelli insiste, elle aussi, sur sa dimension patrimoniale : « Les quelques Américains qui ont vu le travail de Daoud Aoulad-Syad ont tout de suite compris. » Sans doute n’est-ce pas un hasard que son premier livre, intitulé Marocains, se soit ainsi placé dans la filiation de Robert Frank (1924-2019) et de son célèbre ouvrage Les Américains. Un photographe auquel il n’est pas interdit de le comparer.

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« Daoud Aoulad-Syad. Souirti Moulana », 16 avril 2024 (date de fin non communiquée à l’heure de notre bouclage), American Arts Center, 2 Khalil Matrane (ex Balzac), 20310 Casablanca ; instagram.com/americanartscenter

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